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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qui reviennent. Bougez pas d’ici. Je vais dire à nos gens de se tenir prêts…
    Guère loin des tours portières, un tambour bourdonnait. Et tandis que le sénéchal disparaissait dans l’ombre, il y eut un autre roulement, puis un autre et un autre. Bientôt, le château fut enveloppé de ce bruit cadencé, uniforme, irritant par sa continuité.
    —  Boum boum boum… boum boum… Boum boum boum… boum boum ! enragea Guillaume. Jusqu’ici, ces fils de putes ne nous auront cassé que les oreilles.
    Ogier porta ses mains à ses tempes.
    « Merdaille ! J’ai oublié ma cervelière chez Margot ! »
    Impossible d’y retourner… Et ce bruit !… On eût dit que le sol, les buissons, les herbes autour de Rechignac prenaient mouvement et vie. Que tout respirait, palpitait. Les souffles du vent semblaient se rallier à la cadence des tambours. Et ces martellements, faibles ou forts, évoquaient la malfaisante ronde : des cercles et des cercles concentriques d’hommes vêtus de fer et drapés de nuit. Ah ! pouvoir les déchirer, les trouer, les rompre. Tous !… Que le fossé s’emplît de leur sang et de leurs charognes – même si cela puait ! Boum boum boum… boum boum… Que faire ? Subir, toujours subir.
    « J’aurais dû enconner la Margot jusqu’à ce qu’elle crie merci ! Je serais repu et ne subirais pas cette espèce de remords ! »
    Ogier tapota son épée.
    « Elle n’a pas dû trouver entre Gilles et moi une différence à mon avantage ! »
    Elle devait s’ébaudir, maintenant. Il faudrait qu’il fît en sorte de la revoir seule. Alors, il prendrait son temps… Cette chandelle qu’elle promenait tout le long de son corps… Et particulièrement… Non !… Oublier ! Oublier…
    « Bon sang, si je le lui avais demandé, elle s’y boutait le feu et me demandait de l’éteindre… Comme si elle ne l’y avait pas déjà ! »
    Il décida de marcher.
    Un tour de chemin de ronde. Puis deux, trois, dix… Et toujours ces roulements, ce grand cœur circulaire bruyant comme dix mille cœurs d’hommes ; cette énorme et sonore bouche de fer et d’ombre prête à les avaler…
    Il revint auprès de son oncle et du sénéchal.
    — Cette nuit ne me dit rien qui vaille… Où as-tu laissé ta cervelière ?
    — Chez Margot, mon oncle. On se découvre devant les veuves !
    — Devant celle-ci, de haut en bas !
    — Je crois, dit Blanquefort, qu’ils sont proches…
    Les tambours, plus oppressants, plus hargneux. Et soudain, la voix de Girard :
    — À l’arme ! À l’arme !… Ils nous assaillent au Levant !
    Le péril venait d’apparaître à l’est, sur deux côtés de la forteresse limités par la demi-tour et la tourelle, et séparés par une tour que les hommes d’armes avaient baptisée la Guillaume parce que plus élevée que les six autres, et chapeautée d’un toit de forme ovoïde – comme le heaume préféré du baron –, elle avait un air d’inébranlable orgueil.
    — Là-bas, dit Blanquefort, les murs tombent à pic et la douve est plus profonde que partout ailleurs. Les échelades sont impossibles… Ces Goddons ne font jamais la guerre comme nous !
    — Qu’ont-ils imaginé ?
    — J’y cours ! dit Ogier.
    Il rejoignit Girard avant son oncle. Sans façon, le sergent le poussa contre un merlon :
    — Messire !… Voulez-vous donc mourir ?… N’avez-vous point d’yeux et d’oreilles ?
    Le ciel sifflait. Des oiseaux de fer vrombissaient, s’abattaient partout, même dans la cour, et reculaient jusqu’au parapet, griffant les dalles, en quête d’un creux, d’un relief où s’incruster.
    — Des havets, messire. Des graves, des hérissons et des grappins plus gros.
    — Qui les lance ?
    — Une baliste… Eh oui !… Tandis que retentissaient leurs tambours, ils ont apporté, juste en face, les éléments de ce maudit engin… Avec tant de bruit autour d’eux, ils ont pu les assembler impunément…
    Blanquefort et Guillaume arrivaient, courbés de merlon en merlon.
    — J’ai balancé deux ou trois torches pour y voir, continua Girard. Cent routiers, peut-être davantage, grouillent dans le fossé. Ils y sont descendus au moyen des chevêtres [17] et des échelles abandonnés lors du premier assaut… Et tous ces faux morts qui jonchaient le sol se sont joints à eux. Nous n’aurions pas dû songer à ménager nos sagettes, mais à les en percer, au contraire !
    — Continue, dit Guillaume, insensible à ce

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