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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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buisson d’acier tonitruant, bramant, cliquetant, dans lequel s’insinuaient les portefaix. Les béliers lancés, ceux-ci plongeaient dans le fossé leurs échelles, puis déroulaient les cordages avec lesquels ils s’étaient ceints et dont, par groupes, ils retenaient une des extrémités pour permettre à leurs compagnons de descendre.
    La plupart de ceux qui glissèrent ainsi, après avoir jeté leur bouclier au fond, tombèrent percés de traits ; d’autres s’élancèrent sur les échelons et connurent le même sort. Mais ils étaient nombreux ; les suivants réussirent. Il y en eut dix, puis vingt ; une cinquantaine. Assemblés au bord de l’excavation, ils réunirent les écus en tortue, se chargèrent d’un bosson – un tronc de chêne – et, longeant la muraille, progressèrent tant bien que mal vers la poterne, sous le pont-levis.
    — Les boulets ! brailla Guillaume. Allez les jeunes ! Vous êtes là pour ça !
    Les mâchicoulis vomirent aussitôt. Les grosses billes de pierre, en tombant, heurtèrent le fruit [8] à la base de la muraille et rebondirent sur les assaillants, dissociant les écus, broyant, crevant, décapitant. Les hurlements de haine et les cris de douleur devinrent tels qu’ils engloutirent le carillon du tocsin par lequel le chapelain réclamait des renforts.
    — Allez, allez, mes gars ! vociféra le baron. Défendez-vous ! Vaillance ! Vaillance !
    Ogier se sentit tiré par les pieds.
    — Il suffit, dit Blanquefort. Vous devriez avoir un arc à la main.
    — Je veux trouer de mon épée le premier qui montrera sa goule à ce niveau !
    — Rien ne vous dit que ce sera pour ce soir… Ils n’ont pas approché une échelle… C’était à la poterne qu’ils en voulaient.
    Bien que les archers et les arbalétriers affectés à la protection des envahisseurs eussent riposté sur ceux de Rechignac, dont certains se découvraient pour ajuster leur tir, ils n’en blessèrent aucun dans cette portion des défenses. Et les flèches enflammées que le damoiseau vit passer au-dessus de ses compagnons et atteindre le chaume et les essentes de certains bâtiments n’exhalèrent que des fumées : ils étaient trop humides.
    — Viens, mon neveu, dit Guillaume. Courbons-nous et faisons un tour… Toi, Hugues, tu nous avertis si ça va mal.
    En marchant derrière le vieillard, Ogier constata que l’assaut avait effectivement porté sur la courtine qui reliait la Mathilde aux tours d’entrée. Partout ailleurs, cependant, les défenseurs vidaient leur carquois consciencieusement. Ils s’appliquaient à tuer. La peur ne les touchait plus. Le vieux Florimont se détacha d’un groupe d’arbalétriers ; sa bouche de brèchedent tremblotait :
    — Ils ont essayé de faire une tortue par ici. (Il agita sa main comme s’il se l’était brûlée.) Ben alors ! Si vous aviez vu ! Il n’en reste que des miettes et de la bouillie.
    — Bien, dit Guillaume. N’épargnez pas les boulets et les rocs. Et si nos provisions s’épuisent, nous taillerons le rocher de ma seconde cave… Jusqu’aux enfers s’il le faut !
    Il y eut des rires nerveux, insincères. Tous ces hommes dont Ogier ne voyait que le dos de mailles et les gestes s’interrogeaient. Présentement, ils dominaient l’ennemi. Mais dans la nuit ? Demain ?
    « Étrange assaut », se dit-il, tandis que les sagettes et les rochers tombaient toujours des murailles et que d’en bas montaient des hurlements de haine et de souffrance.
    — Je n’y comprends rien, mon oncle. Ces centaines d’hommes ! Ces dizaines d’échelles !
    — Canole a voulu nous enhider [9] . Je ne serais pas étonné qu’il revienne nous parler. Vois : plutôt que d’être appuyées contre nos murs avec des gars dessus, ses échelles sont demeurées dans le fossé, tout le long de notre orteil et du talus d’en face [10] . Quant aux hommes qu’il a envoyés en avant, eh bien, si tu as une bonne vue, tu verras qu’ils ont été peu nombreux à descendre, puisqu’ils sont là, là et là, prêts à choir dans le fossé s’ils en reçoivent commandement.
    Sitôt après la Mathilde, de l’ouest au sud, puis de la tour sud à la tourelle, et de celle-ci jusqu’à la demi-tour du septentrion, l’affrontement se limitait à un échange de projectiles.
    — Canole nous a tâtés pour savoir si nous pouvions nous défendre, continua Guillaume, sûr de lui. Il en a désormais la preuve… Il a essayé d’entrer par la

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