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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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poterne en se méfiant de la bretèche qui la surplombe… Mais ses gars ne l’ont même pas atteinte…
    — Il a perdu des hommes !… Pour rien.
    Guillaume sourit :
    — Des mercenaires et des Gascons… Les Anglais sont restés dans les prés. Et lui, Canole ? L’as-tu aperçu ? Non. Demeuré en bas avec ses connétables et son Briatexte à l’armure noire… Crois-moi : quand tu apercevras cette engeance, alors ce sera mauvais signe…
    Il y eut deux appels de trompe. Un cri à la fois triomphal et incrédule courut tout au long des remparts :
    — Ils partent !… Ils dessiègent !
    L’oncle et le neveu revinrent à la bretèche. Écartant les combattants, ils se penchèrent entre deux merlons, prudemment.
    — Eh oui, ils dessiègent… Ils se deffoucquent [11]  ! commenta Guillaume.
    Au fond du fossé, les routiers refluaient vers les échelles et les gravissaient non sans subir des pertes, abandonnant blessés, armes, boucliers. Partout ailleurs autour de l’enceinte, leurs compagnons, sans les attendre, refluaient en direction de leur camp et du hameau d’où s’échappaient toujours des fumées et des flammes.
    Le baron recula ; Ogier en fit autant.
    — Ils pouvaient nous briser en nous forçant de toutes parts. Et ils s’en vont !
    À nouveau, Guillaume s’avança et regarda en bas :
    — Notre fossé contient trop d’hommes pour qu’ils soient tous morts… Les blessés se tortillent… Ne les achevez pas… Il convient qu’ils souffrent et se lamentent ! J’aimerais que leurs cris parviennent à Canole !
    Il se tourna vers son sénéchal :
    — Hugues, bientôt on n’y verra plus. Méfions-nous que certains ne ressuscitent pour renouveler leur assaut.
    Le baron tressaillit et en grognant porta sa dextre à son omoplate. Une sagette y était plantée.
    — Ça m’apprendra…
    — Venez, mon oncle… Et vous, les gars, que ça vous serve de leçon…
    Les archers acquiescèrent. Ogier poussa le vieillard à l’abri d’un merlon :
    — Avez-vous mal ?… Mon oncle, répondez !
    — Au lieu de t’émouvoir, enlève-moi donc ça !
    Le garçon tira prudemment la flèche. Guillaume soupira et s’enquit :
    — Est-elle venue tout entière ?
    Ogier plaça la pointe vermeille sous les yeux du blessé :
    — Un petit cœur d’acier qui pouvait interrompre le vôtre.
    Guillaume s’assit et lui montra son épaule :
    — Le trou est-il profond ?
    Ogier se pencha. Le sang sourdait, engluait les mailles, mais le baron s’en souciait peu. Il fit mouvoir son bras, grimaça ; Blanquefort était là, impassible.
    — Allez vous soigner, dit-il. L’os est sûrement touché.
    Guillaume se releva et, titubant, se dirigea vers un escalier.
    — Venez, Ogier, reprit le sénéchal. Allons voir si partout ailleurs ils guerpissent… Dommage que la nuit commence à s’épaissir.
    Ils firent quelques pas, et comme ils approchaient d’une latrine, Gilles Champartel en sortit sans carquois, mais l’arc à la main. Il passa devant eux sans les voir.
    Le forgeron écarta une demi-douzaine d’arbalétriers pour gagner l’embrasure d’un créneau et s’y pencher. Observant les abords du fossé, il agita soudain son arc puis se tourna, ivre de joie et de soulagement, vers ses compagnons immobiles.
    — Eh les gars ! Approchez ! Approchez !… Victoire ! Victoire ! Vic…
    Un hoquet le secoua ; une fleur vermeille, pointue, apparut sur sa poitrine enrobée de fer ; il chancela, battit des bras et vola dans le vide.
    — Macarel ! Macarel ! maugréa Blanquefort. Vous avez vu, Ogier, le carreau que c’était ?… L’arbalète qui a lancé ce trait doit appartenir à un géant… et être taillée en proportion.
    — Il s’appelle Tranchelion, dit Ogier. Pauvre Gilles.
    Blanquefort haussa les épaules :
    — Il a bien cherché son trépas… On ne s’expose pas bêtement quand l’ennemi reflue… De plus, je crois bien qu’il s’était mussé dans cette latrine… Ma parole : ces Goddons sont des Parthes !
    La scène avait été si brève que le damoiseau la revivait sans trop y croire : ce sifflement, cette érection rouge sur les mailles ; ce hoquet suivi du cri d’horreur des compagnons impuissants.
    — Allons, allons, vous autres, tonna Blanquefort. Dispersez-vous… Tous à recueillette [12]  !… Et que ceci vous serve de leçon… Dites-vous aussi que la truanderie reviendra… Girard !
    Le sergent, livide, se détacha d’un petit

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