Le Huitième Péché
énergique. Non, le petit homme ne voulait pas répondre à cette question.
Il changea complètement d’attitude lorsque Malberg tira un billet de cinquante euros de sa poche et le lui tendit. Il joignit les mains comme pour prier. Puis il se mit à agiter énergiquement les bras en indiquant une direction bien précise.
— Un religieux t’a payé pour que tu te taises ?
Oui. En s’aidant de ses deux mains, le fossoyeur esquissa une forme ressemblant à un grand chapeau. Il le fit avec tant de précision que Malberg n’eut aucun mal à comprendre ce qu’il voulait dire.
— Un évêque ou un cardinal du Vatican ?
Oui. Ses yeux si expressifs se mirent à briller. Il était fier d’arriver à se faire comprendre aussi bien.
— Un homme que tu connaissais ?
Oui.
— N’était-ce pas par hasard Philippo Gonzaga, le cardinal secrétaire d’État ?
Oui, c’était lui. Le fossoyeur tapota du bout de son index la paume de sa main gauche.
— Et le nom qui est écrit sur la pierre tombale ? Jézabel, tu sais ce que cela signifie ?
Le petit homme secoua vigoureusement la tête.
Malberg soupçonna subitement son interlocuteur de savoir plus de choses qu’il n’était prêt à en dire. Il devait sans doute faire preuve de plus de générosité pour amener le fossoyeur à parler.
Car celui qui l’avait auparavant soudoyé, cet homme qui se promenait avec cent mille dollars en poche, n’avait pas dû se contenter de donner cinquante euros au témoin dont il avait voulu acheter le silence.
Tout en réfléchissant au montant de la somme qui ferait céder le petit homme, Malberg but encore une gorgée au goulot.
Il n’avait pas remarqué qu’on l’observait depuis un moment. Lorsqu’il voulut faire disparaître la bouteille dans la poche de sa veste, une silhouette s’approcha de lui par-derrière et essaya d’attraper la bouteille. Malberg se retourna.
C’était Caterina. Son regard était plein de reproches. Elle ne dit pas un mot.
— À quoi ça rime, ça ? bégaya Malberg, mal à l’aise. Comment savais-tu que j’étais ici ?
Le fossoyeur fit un geste d’impuissance avant de remonter dans son engin qui s’éloigna en pétaradant.
— Je ne le savais pas, répondit Caterina, mais j’ai eu une sorte de pressentiment : j’étais certaine que tu finirais par atterrir ici un jour ou l’autre.
— Tiens donc, un pressentiment !
Malberg eut un rire amer et reprit une gorgée d’alcool.
— Manque de chance, je ne me suis pas méfié et je t’ai fait confiance. Que t’ont-ils proposé pour toutes les informations que je t’ai données ? Bravo, tu as merveilleusement bien joué ton rôle, tu mériterais presque un Oscar ! En tout cas, je n’avais même pas remarqué que j’avais affaire à une comédienne. Génial, la partie de jambes en l’air ! Chapeau, la comédie de l’amour et de la passion ! Où apprend-on ce genre de choses ? Chez les dames qui vendent leurs charmes dans le Trastevere ?
Caterina leva le bras et lui colla une grande gifle.
— Tu es ivre. Et tu es injuste envers moi. Je peux te jurer que j’ignorais tout des magouilles de Paolo. C’est vrai que Paolo n’est pas vraiment le type en qui on peut avoir aveuglément confiance, mais c’est mon frère. Jusqu’à présent, il m’a toujours dit la vérité sur ses petits boulots, ou les petites escroqueries qui lui permettent de gagner sa vie. Je lui ai proposé de partager mon appartement pour avoir l’œil sur lui. Paolo est un instable qui pète les plombs dès qu’il voit du fric. Pour l’argent, il est prêt à tout, même à se salir les mains, là où d’autres y répugnent. Crois-moi, s’il y a quelqu’un que Paolo a profondément déçu, c’est bien moi.
Malberg se frotta la joue.
— Arrête, tu vas me faire pleurer. Tu t’imagines quoi ? Que je vais te faire confiance, ne serait-ce qu’un tout petit peu ?
Caterina haussa les épaules comme pour dire : « Qu’est-ce je peux faire si tu ne veux pas me croire ? » Puis elle répondit :
— En tout cas, j’ai flanqué Paolo à la porte. J’ai jeté ses affaires sur le palier – il n’avait d’ailleurs pas grand-chose à lui – et j’ai fait changer la serrure de l’appartement. Je ne veux plus rien avoir à faire avec mon frère. Il n’a même pas essayé de se disculper. Quand il est parti, il pleurait comme un gosse, jurant ses grands dieux qu’il voulait réparer le mal qu’il avait
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