Le Huitième Péché
cardinal.
Quelques secondes plus tard, celui-ci s’éveilla, ouvrant d’abord l’œil gauche, puis le droit. Les femmes de ménage reculèrent, effrayées comme des poules. Des cris hystériques retentirent dans la nef :
— Miracolo ! Miracolo !
Le médecin s’approcha très près du visage du cardinal :
— Éminence, vous m’entendez ?
— Bien sûr, je ne suis pas sourd ! répondit Gonzaga d’une voix ferme. Où suis-je ?
— À San Sebastiano, sur la Via Appia. Savez-vous comment vous êtes arrivé jusqu’ici ? s’enquit l’urgentiste prudemment.
Gonzaga se secoua.
— J’ai froid, répondit-il en se frottant les deux bras. Évidemment, dans une chambre froide à moins dix-huit degrés…
— Ce sont les femmes de ménage qui l’ont découvert, intervint le bedeau, visiblement soucieux qu’on ne remarque pas les curieux propos du cardinal. L’entrée de l’église n’était pas fermée à clé, bien que je puisse jurer par la Vierge Marie que je l’avais verrouillée hier soir quand j’ai fait ma dernière ronde d’inspection.
Visiblement inquiet, l’urgentiste observait le cardinal.
— Nous devons avertir la police. On vous a de toute évidence injecté un anesthésiant avant de vous transporter ici.
— Ne mêlez pas la police à cela ! siffla Gonzaga tout bas. Je ne souhaite pas que la police intervienne. Je vous prie d’observer la plus grande discrétion. C’est au titre de cardinal secrétaire d’État du Vatican que je vous le demande. Vous m’avez bien compris ?
— Comme vous le souhaitez, Excellence, répondit le médecin. Il me semble toutefois opportun de vous faire transporter à la clinique Gimelli pour y effectuer des examens. J’ignore combien de temps vous êtes resté sans connaissance. Il se pourrait que vous en gardiez des séquelles. Je vous conseille très vivement…
— Surtout pas l’hôpital ! s’écria le cardinal en agitant les mains dans tous les sens. Je veux éviter tout scandale, vous me comprenez ?
— Bien sûr.
Au prix d’un effort considérable, Gonzaga tenta de se sortir de la position inconfortable dans laquelle il se trouvait. Lorsqu’un des infirmiers voulut lui prêter main-forte, le cardinal le repoussa avec une telle violence que l’homme faillit en perdre l’équilibre.
— Si j’ai besoin d’aide, je saurai vous le faire savoir, grogna Gonzaga.
Puis, après avoir tourné les yeux vers le portail ouvert devant lequel l’ambulance attendait avec son gyrophare bleu allumé, le cardinal secrétaire d’État s’emporta :
— Éteignez-moi ces illuminations diaboliques ! Que vont ressentir les pieux chrétiens en voyant un véhicule d’intervention stationné devant l’église San Sebastiano !
— Ne pourrions-nous pas au moins vous ramener au Vatican ? demanda le médecin d’une voix pleine d’inquiétude. Que m’importe ce qui s’est passé, Éminence, c’est votre affaire, j’en conviens, et vous avez vos raisons pour taire cette affaire à l’opinion publique. Mais, en tant que médecin, il est de mon devoir d’attirer votre attention sur les risques que vous prenez pour votre santé.
— Docteur, votre zèle vous honore, répondit Gonzaga, mais il n’a pas de raison d’être. Accordez-moi encore quelques minutes, jusqu’à ce que j’aie complètement récupéré.
— Comme vous le souhaitez, Éminence…
Le ton que le médecin employait disait clairement qu’il ne cautionnait en rien le comportement du cardinal secrétaire d’État.
Les infirmiers quittèrent l’église en emportant la civière, le médecin s’installa sur le dernier banc de la nef et sortit de sa mallette de secours le carnet dans lequel il consignait toutes ses interventions. À intervalles réguliers, il jetait des regards attentifs à Gonzaga.
Le cardinal inspirait et expirait avec difficulté. Il faisait lourd dans l’église, et l’air ne semblait pas convenir à l’amélioration de son état.
— Vous ne préféreriez pas sortir ? lui demanda le médecin.
Préoccupé, le cardinal ne réagit pas. Pourquoi l’avoir amené justement ici, dans la basilique San Sebastiano ? Était-ce un hasard ou le fruit d’un calcul ?
Sous l’église se trouvaient des galeries de plusieurs kilomètres de long : des catacombes. Le cardinal n’ignorait rien des sous-sols des églises.
Les catacombes de San Sebastiano étaient un lieu de pèlerinage annuel fréquenté par plusieurs milliers
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