Le Huitième Péché
fait.
— Tu peux me raconter ce que tu veux, rétorqua Malberg, buté.
— Je t’en prie, Lukas, tu dois me croire ! Surtout maintenant, car il semble que nous ayons enfin avancé dans l’affaire Marlène Ammer.
Malberg tendit l’oreille.
— Un jeune procureur, un certain Mesomedes, a pris contact avec moi, poursuivit Caterina. Il veut reprendre l’affaire à zéro.
— C’est la meilleure, s’étrangla Malberg. Juste au moment où le dossier a été clos sur un ordre venu du sommet de la hiérarchie. Et il vient exprès te voir pour cela ? Je suppose que c’est encore une de ces histoires que tu affectionnes.
— Le magistrat m’a demandé si je savais où tu te trouvais, continua Caterina sans réagir à la remarque de Lukas. Je lui ai dit que je n’en avais aucune idée.
— Alors là, j’en ai, de la veine, rétorqua Malberg sur un ton cynique.
— Tu peux franchement être odieux, dit Caterina en le fixant avec colère. Qu’importe, je vais te donner une autre nouvelle.
Lukas Malberg fit comme si les paroles de Caterina ne l’intéressaient pas outre mesure. Impassible, il gardait les yeux fixés sur la pierre tombale noire portant le nom de Jézabel. Jézabel ?
N’était-ce pas une figure de l’Ancien Testament, la fille d’un roi phénicien mariée au roi israélite Achab ? Malberg connaissait certes moins bien la Bible que sa gérante mademoiselle Kleinlein, mais Jézabel, il en était sûr, c’était cette femme impie qui, comme il est écrit dans l’Apocalypse de saint Jean, débauche les serviteurs.
Pendant qu’il réfléchissait en vain à la signification de la phrase inscrite sur la pierre, Ne crains pas ce dont tu dois souffrir , il entendit la voix de Caterina, comme venant de très loin :
— La marquise est morte.
Surpris, Malberg regarda Caterina.
— Tu peux répéter ce que tu viens de dire ?
— La marquise est morte. On a tiré sur elle d’une voiture, juste après sa libération. Comme tu le sais, la veille, j’étais allée lui rendre visite en prison dans l’espoir d’en apprendre un peu plus sur sa relation avec Marlène Ammer.
— Et ça a donné quoi ?
Caterina secoua la tête.
— Pour être franche, rien, ou presque rien.
— Qu’entends-tu par là ?
— Rien qui puisse t’aider, toi, ni m’aider, moi. Elle s’est contentée de faire des réflexions sur les hommes en général, disant que les hommes sont tous autant qu’ils sont…
— … des salauds ?
— C’est exactement le mot qu’elle a employé.
— Une phrase qu’affectionnent les femmes déçues. Il est d’ailleurs possible qu’il y ait parfois du vrai dans la formulation… Et c’est tout ce que tu as appris ?
— J’ai eu l’impression qu’elle avait tiré un trait sur sa vie.
— Comment cela ?
— Je ne sais pas. Elle a expliqué que, dans la mesure où elle tenait encore à la vie, elle devait s’estimer heureuse d’être en prison, car là, au moins, elle était en sécurité. Elle savait qu’elle était en danger. Je n’ai pas compris ce qu’elle insinuait. Aucune personne sensée n’en aurait conclu que des mafiosi l’avaient dans le collimateur.
Gêné et perplexe, Malberg essuya la pluie qui mouillait son visage dans la manche de sa veste. Caterina poursuivit son récit :
— C’est le procureur Achille Mesomedes qui m’a appris que la marquise avait été assassinée. Sinon, je ne le saurais pas. Ce cas ressemble étrangement à la mort de Marlène Ammer. Il s’agit d’un assassinat, mais aucun journal ne juge utile d’en parler.
Perdu dans ses réflexions, Malberg hocha la tête.
— Et lorsque j’ai pris congé d’elle, Lorenza Falconieri m’a répété que jamais nous ne découvririons la clé de cette histoire, continua Caterina.
— Tu me l’as déjà raconté sur le Campo dei Fiori.
— Oui. Mais quand elle m’a quittée, lorsqu’elle était déjà sur le pas de la porte, elle a fait une dernière remarque qui n’a cessé depuis de me préoccuper. Elle m’a demandé si je connaissais l’Apocalypse de saint Jean. Je ne suis pas bonne sœur et, à l’école, je ne me suis pas vraiment intéressée à l’Ancien Testament. Je lui ai donc répondu que non. La marquise a fini par me dire que je devrais me pencher sur le chapitre 20, verset 7. Puis elle a éclaté de rire. On aurait dit une folle. La scène était macabre.
— Moi non plus, je ne connais pas l’Apocalypse par cœur, dit
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