Le Huitième Péché
curiosité, mais quelle relation entreteniez-vous avec la signora Ammer ?
— Vous voulez savoir si nous avions une liaison ? répondit Malberg en s’efforçant de sourire. La réponse est non. C’était une ancienne camarade de classe. Ça n’allait pas plus loin.
— Et elle n’a jamais été mariée ?
— Non. En tout cas, pas à ma connaissance.
— Étonnant. Il paraît qu’elle était très attirante.
— C’est vrai. Elle s’était incroyablement métamorphosée, avec le temps. Le vilain petit canard était devenu un beau cygne. Jusqu’à la fin du lycée, elle était tout, sauf jolie. Mais lorsque je l’ai revue après toutes ces années, j’en ai presque eu le souffle coupé. L’insignifiante Lénou était devenue une Marlène très séduisante.
— Marlène Ammer avait-elle encore des parents ?
— Pas que je sache. Elle m’a raconté que sa mère était décédée il y a deux ans. Son père avait trouvé la mort quelques années plus tôt dans un accident de voiture. Non, elle n’a pas laissé de famille.
— Avait-elle des ennemis ? A-t-elle fait des allusions donnant à penser qu’elle se sentait menacée ?
Malberg s’efforçait de garder la tête froide.
La touffeur du soir et les questions précises de la journaliste ne lui facilitaient pas les choses, vu la situation où il se trouvait.
— Écoutez-moi, signorina Lima : quand on se revoit après vingt ans, on a beaucoup de choses à se raconter. On ne peut pas parler de tout.
— Je comprends, s’excusa Caterina, avant de poser une autre question dans la seconde qui suivit :
— Au fait, comment avez-vous appris la mort de la jeune femme ?
Malberg tressaillit. La journaliste avait-elle remarqué sa réaction ? Il tenta de n’en rien laisser paraître :
— C’est la marquise qui m’a informé. Elle ne vous l’a pas dit ?
— Non, je ne me souviens pas qu’elle en ait parlé.
Caterina Lima posa le bout de l’index sur ses lèvres, comme si elle réfléchissait.
Malberg n’était pas du genre à se laisser cuisiner par une journaliste. D’autant qu’il n’y avait aucune raison à cela. Mais la conversation prenait lentement l’allure d’un interrogatoire. Malberg se retrouvait tout à coup dans le rôle de celui qui va devoir se défendre. Ce qui était inadmissible pour lui : il se leva.
— Je regrette de ne pas pouvoir vous être plus utile. Je vous ai dit ce que je savais de Marlène. Je vous prie de m’excuser, j’ai un rendez-vous.
— Mais non, signore , vous m’avez beaucoup aidée. Je vous prie d’excuser mes questions directes, je n’en suis qu’au début de mes investigations. Permettez que je vous laisse ma carte au cas où quelque chose d’important vous reviendrait à l’esprit.
Malberg répondit plus par politesse que par conviction :
— Cela va de soi. Je vais certainement rester à Rome quelques jours encore. Vous savez où me trouver.
Et, l’air absorbé, il glissa la carte dans la poche de son polo.
7
De grosses gouttes de pluie s’écrasaient contre les vitres du château de Layenfels. Une planche de bois et une simple couverture de laine n’offraient pas les conditions idéales pour trouver un sommeil réparateur. Soffici, le secrétaire du cardinal, fixait dans l’obscurité les poutres massives du plafond.
Alberto, qui partageait la minuscule pièce avec Soffici, se retournait d’un côté et de l’autre.
Un homme vêtu de noir les avait invités en quelques mots à s’installer pour la nuit dans cette pièce haute de plafond, d’une dizaine de mètres carrés tout au plus, dépourvue de tout mobilier, exception faite de deux grabats en bois, d’une chaise pour poser les vêtements, d’un lavabo dans un coin et, quand même, de l’eau courante.
— Vous non plus n’arrivez pas à dormir, monsignor ? chuchota Alberto dans l’obscurité.
— L’Inquisition n’était certainement pas plus sévère avec ses délinquants, bâilla Soffici, une pointe d’ironie dans la voix.
— Où est le cardinal ? Tout d’un coup, il a disparu.
— Aucune idée. Pour être franc, cela m’est plutôt égal en ce moment. Comment Gonzaga a-t-il pu en arriver là ? C’est de sa faute si nous nous retrouvons dans cette situation.
— Sauf erreur de ma part, c’est bien l’Église qui a inventé le célibat. En tout cas, on n’en trouve pas la trace dans la parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
— Félicitations ! On
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