Le Huitième Péché
à l’affaire.
Pourquoi n’avait-il pas tout de suite fait le lien ! Ces étranges notes renvoyaient à des jours du calendrier. Malberg s’empressa de refermer le calepin. Il se retira dans l’arrière-boutique et s’installa devant le secrétaire Biedermeier qui lui servait de bureau. La tête appuyée dans les mains, il observait le carnet ouvert devant lui.
Quel secret se cachait derrière ces mystérieuses inscriptions ? Malberg se demanda tout à coup s’il s’agissait bien de l’écriture de Marlène. Il avait trouvé le carnet dans l’appartement de la jeune femme, mais cela ne signifiait pas pour autant qu’elle avait écrit ces mots de sa propre main. Malberg poussa un soupir. Il aurait voulu pouvoir oublier ces horribles événements dans lesquels il n’avait pas joué un rôle bien reluisant. Mais le fantôme de Marlène semblait le poursuivre.
Une fois l’achat conclu, mademoiselle Kleinlein entra dans le bureau et déposa sept billets de cinq cents euros sur la table. Elle était bien trop respectueuse pour demander à Malberg la raison de son comportement singulier.
— Mademoiselle Kleinlein, finit par dire Malberg sans lever les yeux du calepin, la Bible n’a pas de secret pour vous. En tout cas vous connaissez mieux que moi l’Ancien Testament. Qu’évoquent pour vous les mots inscrits ici ?
Mademoiselle Kleinlein rougit en entendant les compliments de son patron. Il faut dire qu’il n’en fallait pas beaucoup pour décontenancer cette demoiselle d’un certain âge, peu habituée à ce qu’on l’encense. Elle tripota longuement ses trop grosses lunettes d’écaille avant de les recaler convenablement sur son nez, puis commença à feuilleter le calepin en mouillant chaque fois son doigt pour tourner les pages.
Malberg, qui ne la quittait pas des yeux, nota qu’elle hochait imperceptiblement la tête à chaque page. Elle finit par lever son regard vers lui :
— D’où cela sort-il ? En tout cas, pas de la Bible de Martin Luther.
— Je m’en serais douté, grommela Malberg. Ce qui m’intéresse, c’est la signification de tout ceci.
— Pas très orthodoxe… J’entends par là que ces inscriptions sont assez énigmatiques. Lætare , sexagima , reminiscere , oculi , ce sont des repères dans le calendrier de l’année liturgique. Et ce sont toujours des dimanches.
— Et les noms notés là-derrière ? Car il s’agit bien de noms, n’est-ce pas ?
— Sans aucun doute. Si je ne me trompe pas…
Dans une des étagères, mademoiselle Kleinlein prit un lexique de la Bible qui avait apparemment déjà beaucoup servi.
— J’ai encore une bonne mémoire, dit-elle d’un air triomphal en remontant la monture de ses lunettes sur son nez.
— La Bible hébraïque, commença-t-elle à lire, se décompose en deux livres : celui des premiers prophètes, à partir de Josué jusqu’au deuxième livre des Rois, et celui des derniers prophètes, lequel se scinde en deux autres parties, celle des « grands » et celle des « petits » prophètes. Les grands prophètes sont Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel. Les douze petits prophètes sont Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahoum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.
— Nahoum, Zacharie, Malachie, murmura Malberg. Certains de ces noms apparaissent également dans le carnet.
— Exact. Mais si vous me permettez une remarque : tout cela n’a aucun sens. À moins que…
— À moins que ?
— Euh… non, j’avais eu une idée, mais elle était absurde. Non, oublions !
Malberg ne voulut pas insister. Il craignait que mademoiselle Kleinlein ne lui pose des questions embarrassantes. Et puis, il pensait être arrivé à la même conclusion que son employée.
9
Le trajet le long du Rhin en direction de Francfort se déroula dans une ambiance maussade. Ni le cardinal secrétaire d’État Gonzaga ni le monsignor Soffici ne desserrèrent les dents. Alberto se tut également, gardant les yeux rivés sur la route.
Les événements des dernières vingt-quatre heures avaient profondément bouleversé les trois hommes. Aucun d’eux ne s’attarda, ne serait-ce qu’un instant, sur ce paysage romantique de la vallée du Rhin que le soleil couchant d’août plongeait dans une lumière dorée. À l’échangeur de Wiesbaden, Alberto obliqua vers l’A3 en direction de l’aéroport.
La circulation dense des automobilistes qui se rendaient à leur travail l’obligea à
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