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Le Huitième Péché

Titel: Le Huitième Péché Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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son bureau. Il enleva délicatement ses lunettes et essuya son visage avec un mouchoir, comme pour effacer de sa mémoire ce qu’il venait de lire.
    Puis il ouvrit les journaux, l’un après l’autre, et découpa avec une paire de ciseaux les articles qui relataient le mystérieux accident du cardinal secrétaire d’État.
    Il était courant que ces messieurs de la curie reçoivent sur leur bureau des journaux censurés à l’intérieur de ces murs. Habituellement, les censeurs se contentaient d’extraire les images au contenu obscène, avec une préférence pour les appendices sexuels féminins mineurs – auxquels venaient s’ajouter, bien entendu, les parties encore plus suggestives de leur anatomie –, ainsi que des photos de jeunes et beaux éphèbes. Dieu seul sait pourquoi !
    Soffici n’avait pas encore mené sa tâche à bien lorsque le cardinal secrétaire d’État apparut à la porte de ses appartements.
    — Je ne vous attendais pas de si bonne heure, Éminence, bégaya Soffici, embarrassé. Comment vous sentez-vous ?
    Par-dessus son habit de cardinal – soutane boutonnée du haut en bas, cingulum et mozetta rouges – Gonzaga portait une minerve gris foncé dont émergeait son crâne dégarni comme un champignon dans une champignonnière. Enveloppé dans un nuage de Pour Monsieur , il ne manqua pas de remarquer les efforts déployés par Soffici pour faire disparaître les coupures de journaux sous un tas de dossiers.
    — Ne vous donnez pas cette peine, monsignor, dit le cardinal sans répondre à la question que lui posait son secrétaire. Un membre bien intentionné de la curie a déposé le Corriere sur mon bureau. Je suppose que cette délicate intention n’est pas de votre fait.
    — Éminence, par la Vierge Marie et tous les saints…
    — Restons-en là. Je vous ai dit que jamais je ne vous soupçonnerais d’une telle bassesse.
    Les mains croisées derrière le dos, Gonzaga contemplait le magnifique plafond à caissons qui ornait le bureau, comme toutes les autres pièces de l’étage. Puis il s’adressa de nouveau à Soffici :
    — Nous nous sommes fourrés dans une histoire idiote. J’ai eu beau invoquer le Saint-Esprit, je n’ai trouvé aucune explication plausible à leur donner. À moins que vous n’ayez eu une idée de votre côté ?
    — Vous voulez dire une réponse à donner à la question suivante : pourquoi un cardinal secrétaire d’État, circulant dans la voiture privée de son chauffeur, s’arrête en pleine nuit au beau milieu d’un rond-point ?
    — Oui, à cette question aussi. Mais je suis surtout dans l’embarras pour expliquer les cent mille dollars dans le sac plastique. Pourquoi n’ai-je pas transporté cet argent dans une mallette ! Je me suis conduit comme un mafioso napolitain.
    — Et qu’est devenu l’argent ?
    — Ne vous inquiétez pas, monsignor. Un commissaire l’a restitué au centime près, moyennant un reçu. Ce n’est pas là que le bât blesse. Il s’agit maintenant de justifier les circonstances dans lesquelles cet accident a eu lieu. Je ne peux même pas en vouloir aux journaux de prendre cet événement comme prétexte pour donner libre cours aux spéculations les plus folles.
    Soffici jetait un regard noir aux journaux étalés devant lui sur le bureau. Il se taisait.
    Gonzaga secoua la tête et garda le silence un moment.
    — Pour publier de tels articles, reprit-il, il faut tout de même être une crapule et un mécréant. Puisse Dieu châtier leur orgueil ! Le jour du Jugement dernier, les hommes devront rendre des comptes pour chaque mot inutile qu’ils auront prononcé !
    — Matthieu, 12, 36.
    — Qui ?
    — L’évangéliste Matthieu…
    — Qu’importe. Il y aura des pleurs et des grincements de dents.
    Matthieu, 13, 50, pensa Soffici, tout en se gardant bien de le dire tout haut ; il connaissait les accès de colère dont son patron était capable. Nul n’ignorait que Gonzaga tirait bon nombre de ses formules du Nouveau Testament.
    Durant le silence qui suivit, John Duca, écumant de rage, en agitant un journal comme il l’aurait fait d’un fanion, fit soudain irruption dans la pièce.
    — Éminence, je suis d’avis que vous nous devez à tous des explications !
    Soffici, effrayé, regarda Gonzaga. Il était tout à fait inhabituel que quelqu’un s’adressât sur un ton aussi direct au cardinal secrétaire d’État. John Duca, professeur en droit canon, comme son prédécesseur, et

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