Le Huitième Péché
recherche.
— Je suis donc un assassin, constata Malberg cyniquement.
— Mais ce n’est pas tout ! Le bruit court que vous avez extorqué deux cent cinquante mille euros à une banque allemande et que vous vous promenez avec un chèque de banque équivalant à cette somme. Votre situation est très délicate, Lukas.
Comme absent, Malberg regardait dans le vague. Il accusait le coup.
— Et vous croyez que ces accusations reposent sur des faits tangibles ? balbutia-t-il d’une voix blanche.
Caterina inclina la tête sur le côté comme pour dire : que croiriez-vous, si vous étiez à ma place ?
— Je dois avouer que, depuis ce matin, depuis que j’ai appris les accusations qui pèsent sur vous, je ne cesse de me demander si vous n’auriez pas pu assassiner Marlène. Vous êtes un homme cultivé, ouvert, capable d’imaginer une histoire qui vous laverait de tout soupçon. J’avoue aussi que je m’en suis voulu de vous avoir fait aveuglément confiance. J’étais incapable de prendre du recul dans cette histoire incroyable. Seulement voilà, ce matin, il s’est passé quelque chose de curieux.
Elle regarda Malberg, longuement et intensément.
— Quelque chose de curieux, répéta Malberg à voix basse.
Il avait pâli et paraissait désemparé, désarmé, comme s’il allait d’un instant à l’autre passer aux aveux et dire : « Oui, c’est moi qui ai tué Marlène Ammer. »
Caterina s’assura que personne ne pouvait entendre leur conversation. Puis elle commença d’une voix traînante :
— Ce matin, lorsqu’on a déposé les journaux du jour sur mon bureau…
Elle fut interrompue par un haut-parleur : « Caterina Lima est priée d’appeler d’urgence le 47-30. Caterina Lima est priée d’appeler d’urgence le 47-30. »
— Je vous prie de m’excuser un moment, dit-elle.
Elle se dirigea vers un téléphone mural où elle composa le numéro. Après avoir échangé quelques mots avec son interlocuteur, elle raccrocha et revint vers Malberg.
— Le chef du service. Si vous êtes d’accord, nous pouvons nous rencontrer cet après-midi, quelque part en ville, en tout cas pas ici ni dans les parages. Par exemple devant la station de taxis de la Stazione Termini. Disons à treize heures. Ah oui ! ce que je voulais encore ajouter : il serait préférable que vous ne retourniez pas à votre hôtel.
Le regard de Malberg suivit Caterina qui s’engouffrait dans un ascenseur.
Elle arriva un peu après 13 h à l’endroit convenu. Soulagé, Malberg se dirigea vers elle. Il s’était demandé si elle viendrait vraiment à ce rendez-vous. Il fallait bien reconnaître que ce qu’elle lui avait révélé entre deux portes n’était pas de nature à susciter sa confiance. Sur le chemin de la gare, il s’était torturé l’esprit, essayant de trouver ce que Caterina avait bien pu lire dans le journal.
Ils commandèrent des pâtes dans une trattoria au coin de la Via Cavour et de la Via Giovanni Giolitti. Sans entrain, Malberg tournait sa fourchette dans ses linguines trop cuits. Caterina tira de son sac le Corriere et l’ouvrit à la rubrique locale.
Elle lui montra un article sur deux colonnes, assorti d’une photo.
LE CARDINAL SECRÉTAIRE D’ÉTAT PHILIPPO GONZAGA IMPLIQUÉ DANS UN ACCIDENT
Caterina lut l’article à mi-voix :
Hier, le cardinal secrétaire d’État Gonzaga a été légèrement blessé dans un accident de voiture survenu sur la Piazza del Popolo. Le cardinal avait pris place dans l’automobile personnelle de son chauffeur. Ce dernier, sans raison apparente, a brutalement immobilisé le véhicule. La camionnette de livraison expresse qui les suivait n’a pas eu le temps de freiner et a percuté la voiture du cardinal. Le dignitaire de l’Église, qui n’avait pas sa ceinture, a été violemment projeté dans le pare-brise et a perdu connaissance. Le cardinal Gonzaga et son chauffeur ont été transportés à la clinique Gimelli. La petite voiture, désormais bonne pour la casse, a dû être remorquée. C’est à cette occasion qu’il a été découvert dans l’habitacle un sac plastique contenant cent mille dollars. Aux questions soulevées par la présence d’une somme pareille dans cette voiture, le Vatican n’a pas encore donné de réponse. D’où vient cet argent ? À qui était-il destiné ? Pourquoi le secrétaire d’État circulait-il dans la voiture de son chauffeur, et non dans son véhicule de fonction ? Gonzaga et son
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