Le Japon
d’avant-guerre.
2) S’ouvre alors ce que l’on appelle la période de « Haute Croissance » (1950-1974), qui correspond peu ou prou à nos Trente Glorieuses, et pendant laquelle l’économie japonaise croît à un rythme annuel de 10 %.C’est à la fin de cette période, alors que le Japon a rattrapé les pays européens, que l’on parle de « miracle japonais ». Pendant cette période, les principaux secteurs d’activité sont le textile, la sidérurgie, la chimie puis la machinerie.
3) Une période de « chocs et ajustements réussis ». Malgré une série de chocs négatifs – fin du système de Bretton Woods en 1971, double choc pétrolier en 1973 et 1979 et endaka (appréciation du yen) qui suit les accords du Plaza de 1985 –, l’économie japonaise continue à faire beaucoup mieux que ses principaux compétiteurs (5 % en moyenne sur la période).
4) Enfin, au début des années 1990, alors que les théories du modèle japonais sont au faîte de leur influence intellectuelle, le pays entre dans ce qu’on a appelé la « décennie perdue », marquée par un nouveau ralentissement de la croissance (1 % en moyenne, soit deux fois moins qu’en France pendant la même période) et une crise financière.
Cette exceptionnelle croissance japonaise de l’après-guerre est le résultat de la mobilisation du capital, du rattrapage technologique du point de vue de l’offre, et de l’investissement du point de vue de la demande. À bien des égards, cette période est similaire aux Trente Glorieuses que connaît la France au même moment, la seule différence étant que la croissance française repose relativement plus sur le progrès technique que sur le capital. À partir du milieu des années 1970 et jusqu’au début des années 1990, alors que le progrès technique continue d’être un facteur clé du point de vue de l’offre, ce sont les exportations qui tirent la croissance du point de vue de la demande.
L’H. : C’est cela, le modèle japonais ?
S. L. : Ce « modèle » a fortement évolué au cours dutemps : avant la guerre, l’économie japonaise était une économie de marché de type américain. Ce qu’on appelle couramment le « modèle japonais », tel qu’il a été théorisé dans les années 1970 et 1980, s’est mis en place après 1945.
Mais, quand il s’agit de définir en économiste ce qu’est le modèle japonais, on est un peu gêné car il y a au moins autant de théories sur le sujet que d’économistes spécialistes de la question… On peut en gros les classer en deux grandes catégories : ceux qui mettent l’accent sur l’organisation de la firme (le niveau microéconomique) et ceux qui insistent sur l’efficacité de la coordination économique et sociale dans son ensemble (le niveau macroéconomique). Pour les premiers, le modèle de la firme japonaise repose sur des relations de long terme entre partenaires, qui maximise la croissance de la firme. Ce modèle s’oppose donc point par point au modèle de la firme américaine fondé sur des relations de court terme entre employés (y compris managers) et actionnaires, dont l’objectif est la maximisation du profit dans le court terme. Les autres insistent sur les formes de coordination qui assurent la cohérence de ce système fortement décentralisé, au niveau privé – les keiretsu (qui ont pris la suite des zaibatsu ), la sous-traitance, et le shunto (négociations salariales de printemps coordonnées par secteur) – et au niveau public – politique industrielle notamment.
On peut conclure que c’est l’interaction de ces deux niveaux – micro et macro – qui définit l’originalité du modèle.
L’H. : Qu’est-ce qu’on appelle le « toyotisme » dont on dit qu’il est la clé du succès des entreprises japonaises ?
S. L. : À partir des années 1950, Toyota a développé un système de production particulier, le « Toyota Productive System » (TPS). Il s’agit d’une forme d’intensification du travail, à l’image du taylorisme. Mais, à la différence du taylorisme, qui s’appuie sur la mécanisation, ce système repose sur l’« humanisation » de la production.
En un mot, il s’agit de faire intervenir l’homme plus souvent sur la chaîne de production, en comptant sur son « sens de la crise ». On peut résumer le système en deux principes simples. D’une part, on fait entrer les fluctuations de la demande sur le lieu de
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