Le Japon
Mandchourie passait ainsi sous influence russe exclusive ; la Corée perdait de son intérêt pour l’empire tsariste.
Malgré ses relatifs succès en Corée, le Japon se trouvait humilié : il perdait définitivement la péninsule du Liaodong. Bien plus : l’avancée russe en Mandchourie faisait planer, à terme, de lourdes menaces sur l’avenir de la Corée, dont la Russie risquait un jour de s’emparer.
Les craintes japonaises semblèrent rapidement se justifier. Dès 1900, la Russie profitait de la révolte desBoxers, en Chine, pour faire pénétrer quelque 80 000 soldats en Mandchourie.
Entre 1900 et 1903, le Japon et la Russie tentèrent de régler pacifiquement leurs différends. D’intenses contacts diplomatiques eurent lieu entre les deux pays. Diverses options furent examinées : partage de la péninsule coréenne ; neutralité coréenne sous garanties internationales ; échange de la Corée contre la Mandchourie – le Japon aurait reconnu les intérêts et privilèges russes en Mandchourie, et la Russie les intérêts et privilèges japonais en Corée.
Finalement, aucune de ces propositions n’aboutit. Car, entre-temps, le Japon avait fait un autre choix, celui d’une alliance militaire avec la Grande-Bretagne. Londres craignait en effet également les ambitions régionales russes, mais sans posséder les moyens de s’y opposer directement : le gros des troupes britanniques en Asie orientale avait été transporté en Afrique du Sud, où la guerre des Boers avait éclaté en 1899. Situation inespérée pour le Japon, auquel s’offrait la possibilité de conclure, pour la première fois de son histoire, une vraie alliance militaire avec une puissance occidentale.
L’alliance anglo-japonaise fut signée à Londres en janvier 1902. La Grande-Bretagne et le Japon s’engageaient à demeurer neutres dans tout conflit régional où serait impliqué l’un des signataires. Cependant, en cas d’agression par deux États ou plus, ils se porteraient réciproquement assistance. La menace d’une intervention française aux côtés de la Russie était ainsi écartée : Paris ne prendrait pas le risque d’un conflit avec Londres pour secourir un allié russe aux prises avec le Japon. La voie vers la guerre russo-japonaise était ouverte.
À Tokyo, cependant, on hésitait encore. La Russie était un géant de 146 millions d’habitants, avec unearmée de plus de 2 millions d’hommes. Le Japon ne possédait que 46 millions d’habitants, et un million de soldats. Sur mer, le rapport des forces était encore plus défavorable. Le coût humain et financier d’un affrontement avec l’empire tsariste risquait d’être colossal, et l’issue était loin d’être assurée.
Des négociations intermittentes avec Saint-Pétersbourg se poursuivirent jusqu’à la fin de l’année 1903, mais sans aboutir. L’opinion publique japonaise, chauffée à blanc par l’éducation patriotique alors en vigueur, poussait le pays vers la guerre. Finalement, au début du mois de février 1904, la décision tomba : le Japon attaquerait la puissante armée russe. Quelques jours plus tard, les hostilités étaient déclenchées.
Une fois passé le choc des premiers assauts nippons, la Russie parvint à entraîner le Japon dans une guerre d’usure sans précédent. Tranchées, barbelés, mitrailleuses : le siège de Port-Arthur, qui dura huit mois (de février à septembre 1904), préfigurait les combats de la Première Guerre mondiale. Plus de 15 000 soldats japonais périrent pour conquérir la ville. Et la titanesque bataille de Mukden, en mars 1905, fut remportée par les Japonais au prix de sacrifices encore plus élevés.
Malgré ses défaites en Mandchourie, le tsar espérait encore retourner la situation en sa faveur. Il décida de jeter dans la bataille la flotte de la Baltique. Mais, en mai 1905, l’armada russe, enfin parvenue sur les lieux après un périple de plusieurs milliers de kilomètres, fut anéantie à son tour par l’amiral Togo dans le détroit de Tsushima.
Les deux adversaires, épuisés, acceptèrent alors d’entamer des négociations. Le président américain Théodore Roosevelt proposa ses bons offices, et le 5 septembre 1905 fut signé à Portsmouth, aux États-Unis, untraité de paix russo-japonais. Le tsar, affaibli par ses défaites, mais aussi par la situation révolutionnaire dont il avait peine alors à se rendre maître, concéda au Japon les privilèges
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