Le Japon
économique japonais après 1945.
L’H. : Quel rôle ont joué les Américains dans la reconstruction du pays ?
S. L. : Le 2 septembre 1945, la capitulation est signée à bord du Missouri , qui mouille dans la baie de Tokyo. Quelques jours plus tard, les forces d’occupation américaines débarquent. Cette occupation durera jusqu’en avril 1952. Jusqu’en octobre 1948, les deux mots d’ordre sont démilitarisation et démocratisation : l’objectif de l’occupant américain est à la fois de « punir » le Japon et de s’assurer qu’il ne sera plus jamais tenté par la guerre. Même si cela n’était pas là l’objectif des occupants, la période de démocratisation prépare à bien des égards la reconstruction proprement dite. Les réformes adoptées sous la direction du général Douglas MacArthur, commandant suprême des forces alliées (SCAP), vont dans ce sens.
1) En 1947, la dissolution des zaibatsu (notamment les quatre grands, Mitsui, Mitsubishi, Sumitomo etYasuda) crée un nouvel environnement concurrentiel qui stimule les entrepreneurs.
2) En avril 1947, une loi antimonopole interdit toute activité de cartel. Une politique de déconcentration lui est associée – ses effets seront limités puisque seulement 17 compagnies seront concernées sur les 300 initialement visées par la loi.
3) En novembre 1946, la réforme agraire limite la propriété de terres agricoles à 1 hectare (de quoi faire vivre une famille nombreuse mais aussi de commercialiser la majeure partie de la production), le reste devant être vendu aux métayers. En favorisant l’introduction de nouvelles technologies (fertilisants par exemple), elle améliore la productivité et par conséquent les revenus de la population agricole, créant un cercle vertueux.
4) Quant aux syndicats, ils sont démocratisés par trois lois successives (loi sur les syndicats, loi sur les standards du travail et loi sur les ajustements des relations de travail) qui fondent de nouvelles relations professionnelles. Concrètement, les employés obtiennent le droit de former des syndicats indépendamment de la direction de l’entreprise, même si, dans les faits, le patronat continue à contrôler étroitement la plupart des initiatives.
Jusqu’à l’automne 1948, la responsabilité de la reconstruction elle-même a cependant été laissée aux Japonais. L’initiative la plus remarquable est celle de Tanzan Ishibashi, ministre des Finances dans le cabinet de Yoshida Shigeru à partir de juillet 1946, qui met en place un système de production prioritaire (keisha seisan hoshiki) . Le principe est de sélectionner des industries – surtout l’acier et le charbon –, auxquelles on réserve des fonds. Son succès a cependant été limité par l’inflation, qui atteint en 1948 127 % par an.
À l’automne 1948, le contexte international change : la guerre froide s’intensifie et la chute de la Chine aux mains des communistes semble inévitable. Pour les Américains, la priorité est d’assurer le redressement du Japon, de favoriser une reconstruction rapide et d’en faire un allié privilégié des États-Unis. C’est le plan Dodge, mis en place en avril 1949, dont la ligne de base est la restauration des principes de libre marché, ce qui se traduit par exemple par la fin des subventions et l’interdiction de la Banque de financement de la reconstruction. Dans le même temps, l’environnement est stabilisé avec la fixation du fameux taux de change de 1 dollar pour 360 yens, qui perdure jusqu’à l’abandon de la convertibilité du dollar en or en 1971.
Le véritable tournant dans la reconstruction du Japon et dans la relance de l’économie intervient au début de la guerre de Corée, en juin 1950. Pour leurs besoins considérables en matériels, les Américains font alors appel à l’industrie japonaise, ce qui constitue le choc positif initial dont a besoin le tissu productif pour se relancer. L’indice de production industrielle, fixé à 100 en 1949, passe de 123 en 1950 à 240 en 1954 ! C’est certainement là la principale contribution américaine à la reconstruction de l’économie japonaise.
L’H. : Et le début du « miracle » japonais…
S. L. : Reprenons la chronologie. On peut grossièrement distinguer quatre périodes depuis 1945.
1) Celle de l’après-guerre, que l’on vient de décrire. Cette période se termine au début des années 1950 quand on retrouve le niveau du PIB
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