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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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subjuguée par une sensation d’orgueil quand il fut debout, haletant, furieux. Elle l’enlaça avec une malignité qu’il trouva insupportable dès qu’il eut imaginé leur image, le contraste entre sa force, ses muscles durcis, sa peau lardée de cicatrices et la fragilité de cette effrontée.
    — Baise-moi, dit-elle en lui offrant sa bouche. Nous sommes sans recors [105] .
    Il obéit, effleurant son front de ses lèvres.
    — Recommence… Pourquoi ne veux-tu pas m’emboiser [106]  ?
    Il sentit la pression des petites mains sur ses reins et fut aussitôt conscient qu’un seul geste engagerait les autres.
    — Non, dit-il.
    Lentement, elle desserra son étreinte, sortit de l’eau et s’allongea sur l’herbe.
    La pudeur n’existait pas pour elle. Elle eût ri si elle lui en avait découvert. Il la regarda vivement. On lui voyait les côtes ; elle avait autour du nombril des traces de brûlures. Une mousse courte et légère blasonnait sa chair diaphane. Une nymphe au corps de neige…
    Griselda ne détournait pas son regard. Elle voyait ce qu’elle voulait voir. Il lui semblait qu’il y avait dans cet échange une réciprocité naturelle. Elle dit tout de même :
    — Veux-tu ? Le froid commence à nous saisir… Nous nous réchaufferons. Regarde, je suis tout emperlée… Le vent me lèche ? Pourquoi pas toi ?
    Fût-elle demeurée silencieuse et passive qu’il se serait sans doute laissé tenter. Mais une voix détruisit tout :
    — Holà !… Shirton vous demande !
    Le buste renversé en arrière, les poings aux hanches, Élisabeth, sur un talus, les observait.
    — Eh bien, chevalier, on s’en paye !
    — Cagne [107]  ! Merdasse ! Putain ! Carogne ! gémit Griselda tandis qu’Élisabeth partait en sautillant.
    Son ardeur s’était flétrie. Une invincible froideur l’emplissait toute.
    Ogier revint devant ses vêtements. Griselda lui parlait mais il n’entendait rien d’autre que les battements de son cœur.

III
    Desserrant l’étreinte de Griselda, qui le ceinturait plus qu’il n’était nécessaire, Ogier désigna une construction dont les murs, d’un gris léger, s’élevaient à peine au-dessus d’une forêt.
    — Est-ce une tour ? Un donjon ?
    — Un clocher sûrement. Je serais étonné que Calveley vive dans un château. Nous en verrions les tours et la bannière… Que ferait-il d’un château puisqu’il passe son existence à guerroyer hors d’Angleterre…
    — Avançons toujours, dit Élisabeth.
    Lors d’une halte dans un bourg, elle avait obtenu de Shirton qu’il échangeât sa selle d’homme contre une sambue. Quelques œillades au sellier avaient favorisé un troc où, cependant, l’archer avait écorné son pécule. Elle chevauchait désormais comme une dame : de guingois, les jambes d’un seul côté du louvet. Se tournant vers Ogier, elle joua de la paupière.
    — Misère ! chuchota Griselda. Regarde-la. Morgane qui les avait ouvertes nuit et jour ne veut plus écarter ses cuisses !… Sauf quand Shirton s’y met, si j’ose dire… Il est vaillant, il l’aime… Mais c’est de toi, maintenant, que Lisbeth a envie… Jack ne permettrait pas que tu la lui prennes…
    Le chemin s’inclinait. L’écume glauque des fougères enténébrait les pieds des chênes. Des fayards, des frênes et des châtaigniers, tous jeunes, penchaient leurs lances de part et d’autre de la petite voie pavée par endroits sans parvenir à former une voûte : le ciel n’était qu’une longue fente bleue, ourlée de bruissantes frisures, les unes encore vertes, les autres rousses, jaunes, parfois presque noires.
    Aux vagues d’ombres succéda la clarté pâle, mais complète, où le village avait sa place.
    — C’est tout petit, dit Griselda tandis que la première maisonnelle apparaissait, le toit crêté de rouge et les flancs gris, comme accroupie dans un nid de glaïeuls.
    — Nous nous séparerons à l’entrée, dit Élisabeth. Griselda et moi irons tendre la main sur le seuil de l’église.
    — Je n’aime pas !
    — Toi, la garcette [108] , dit Shirton en arrêtant son cheval, tu nous dois obéir…
    Puis, tourné vers Ogier, la voix quelque peu repentante :
    — Les recettes de ces aumônes ne sont pas copieuses au point que nous attrapions une indigestion… Mais je dois conserver gonflée mon escarcelle. On ne sait jamais… Je crois qu’il va me falloir prouver comme à Coventry, Burton et Leek, mon adresse d’archer.
    Et,

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