Le Maréchal Berthier
l'établissement des cartes des forêts.
Ayant rang, et surtout pension de général de brigade, car outre le fait qu'il avait en 1789 fait à la France le don patriotique de ses biens, les dévaluations permanentes de la monnaie sous la Convention puis le Directoire l'avaient à peu près ruiné, il ne joua plus qu'un rôle de conseiller assez effacé, et lorsqu'il mourut en 1804, le travail n'était pas achevé. Il ne le fut qu'en 1806 sous la haute direction de son fils le maréchal devenu grand veneur de l'Empire, car c'était un excellent chasseur.
À nouveau veuf, Jean-Baptiste, qui, en 1803, était revenu vivre définitivement près de son ministre de fils, se rendit plusieurs fois à Versailles pour revisiter les hôtels qu'il avait construits. Thiébault raconte qu'en poste à Versailles, il reçut la visite d'un « petit vieillard » qui s'était présenté comme le père du ministre de la Guerre, lui fit visiter l'hôtel de fond en comble, allant jusqu'à le faire courir sur les toits le long des gouttières en riant, « au risque, précise Thiébault, vingt fois de se faire rompre le cou ». Et ceci se passait six mois avant son décès.
L'ensemble de ces cartes est une oeuvre remarquable qui est encore consultée aujourd'hui, car elles donnent de précieux renseignements sur l'état des forêts de la région parisienne à la fin du xviii e et au début du xix e siècle.
Ce fut en 1783, alors qu'il consacrait toute son activité à ce travail de cartographie, que Berthier eut le malheur de perdre sa femme Marie-Françoise. Ce fut une grande épreuve pour lui. Par chance, aucun de ses enfants vivants n'avait plus besoin de la présence de sa mère. Le plus jeune, Léopold, né en 1770, était âgé de treize ans. Ce fut en quelque sorte un soulagement pour Jean-Baptiste, et comme lui-même avait à présent soixante-deux ans, tous les membres de sa famille pensèrent qu'il continuerait à vivre en célibataire.
I
UN PORPHYROGÉNÈTE
(1753-1780)
Louis Alexandre Berthier, fils aîné de Jean-Baptiste et de Marie-Françoise, naquit en 1753 à Versailles, non pas en l'hôtel de la guerre (il n'était pas encore construit) mais au domicile de ses parents, dont l'adresse ne nous est pas parvenue. Il fut baptisé le lendemain en l'église royale Saint-Louis. Par un accès de vanité un peu puéril, Jean-Baptiste tint à donner à ce garçon pour prénom celui d'un illustre capitaine. Il devait réitérer quelques années plus tard avec le troisième qui fut prénommé César.
Ses parents, surtout son père, veillèrent particulièrement à son éducation, et très tôt il montra d'étonnantes dispositions pour les études. En même temps, grâce aux relations de son père à la cour, l'enfant fut admis et semble t-il choyé par les filles du roi, vieilles demoiselles à cheval sur les principes et les bonnes manières qui veillèrent à ce qu'elles lui soient inculquées. Jean-Baptiste ne l'envoya pas dans sa petite enfance à l'école, préférant le mettre entre les mains d'un précepteur pour être à même de surveiller de près son enseignement. Une telle formation, surtout avec un tel sujet, ne pouvait que porter ses fruits. Aussi, lorsqu'en 1764, alors qu'il n'avait que onze ans, Louis Alexandre fut présenté, presque comme un exercice, au concours de l'école royale du génie de Mézières, il fut reçu du premier coup dans un rang brillant, alors que la plupart des candidats devaient se présenter deux, voire trois fois, avant d'être admis. Aussi, sans hésiter, malgré son jeune âge qui en faisait le benjamin de sa promotion, Jean-Baptiste l'y envoya.
À l'école, où le jeune Alexandre apprit à connaître la discipline militaire, l'instruction portait essentiellement sur les sciences exactes : mathématiques, mécanique, hydraulique, dessin, levée de plans et cartographie. Dans toutes ces disciplines, Alexandre avait déjà plus que des notions, ce qui lui permit de se classer d'emblée en tête de sa promotion. Dès leur admission, les élèves avaient rang de lieutenant en second et de ce fait touchaient une solde de sept cent soixante-dix livres par an. La scolarité durait deux ans. À sa sortie, il n'avait que treize ans. Mais, ultérieurement, il fut décrété par l'administration que ses services ne pouvaient compter qu'à dater du 23 novembre 1769, ainsi qu'en atteste une note de son dossier au ministère de la guerre, ce qui permit de justifier un abattement lorsque la princesse
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