Le Maréchal Berthier
n'étaient pas exactement les siennes.
Napoléon avait bien prévu, en s'appuyant sur les travaux de Berthier, Thiébault et Mathieu Dumas, de réorganiser une nouvelle fois le corps d'état-major. Mais les incessants conflits qui jalonnèrent le Premier Empire ne lui en laissèrent jamais l'occasion.
Deux théories qui semblent se contredire mais, en fait, se complètent, sont généralement admises sur la composition des états-majors sous l'Empire. Selon de Philipp, Napoléon, bien qu'il vît leur nombre augmenter, ne disposa jamais d'un nombre suffisant d'officiers d'état-major. En revanche, Garnier soutient que les quartiers généraux étaient encombrés de godelureaux, braves, élégants, mais totalement ignares et incompétents, qui ne devaient leur position qu'à la faveur, car ces fils de famille préféraient la vie confortable des états-majors à celle, combien plus rude, de la troupe. De plus, ils étaient ainsi assurés d'un avancement rapide.
Ainsi ces deux propositions, loin de se contredire, auraient-elles plutôt tendance à se compléter. C'est qu'à un officier d'état-major il était demandé beaucoup : savoir rédiger, dessiner pour être en mesure de lever rapidement un croquis d'une position géographique. Et ce n'est pas sans raison que le général de Brack, dans son célèbre ouvrage, Avant-postes de cavalerie légère , se plaint que beaucoup trop d'officiers de cavalerie présentent de sérieuses lacunes sur ce point. Qu'aurait-il dit des membres des états-majors ? Ceux-ci devaient également, lorsqu'ils étaient envoyés en mission auprès d'un chef de corps, lui exposer brièvement et clairement la pensée du général en chef, tout en demeurant à leur place. En même temps, pour peu qu'ils aient à rester auprès de celui près de qui ils étaient délégués, ils devaient lui faire comprendre avec tact et autorité qu'il n'exécutait pas correctement les ordres qu'il avait reçus. C'est de cette manière que le colonel Lejeune (il le raconte dans ses mémoires), envoyé porter des instructions au maréchal Oudinot en 1812, demeura quatre jours à ses côtés pour suivre les mouvements de son corps d'armée.
Les missions des officiers d'état-major qui furent surtout périlleuses en Espagne et en Russie étaient aussi diverses que variées. On a pu dire que si l'empereur était le cerveau de l'armée, ils en étaient le système nerveux. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'aussi bien à l'échelon du grand quartier général que plus bas, le rôle de chef d'état-major fut, en toutes circonstances, essentiel. De ce point de vue, le personnage du maréchal Berthier, qui connaissait comme personne ce métier très particulier, demeure primordial pour comprendre le fonctionnement des armées napoléoniennes.
PROLOGUE
UNE CARRIÈRE SOUS L'ANCIEN RÉGIME
(1721-1804) Jean-Baptiste Berthier naquit le 8 janvier 1721 à Saint-Pierre de Tonnerre, dans l'actuel département de l'Yonne. Il était le fils de Michel Berthier et de Jeanne Dumez, son épouse. De ce père, on ne sait à peu près rien. Il se disait natif de Chaource en Champagne sans préciser aucune date. Mais l'examen des registres paroissiaux de cette localité, s'ils font état de trois Michel Berthier au cours du xviii e siècle, c'est en tant qu'époux et le plus ancien est daté du 19 novembre 1748, c'est-à-dire largement après la naissance de Jean-Baptiste. Un Michel serait né en 1679 et aurait été âgé de quarante-deux ans au moment de la naissance de Jean-Baptiste. La chose est possible encore qu'assez peu crédible. On est donc réduit aux conjectures pour le personnage de son père, et il est même permis de se demander s'il est vraiment né à Chaource, s'il était un enfant légitime, naturel ou plus simplement trouvé. C'est lui qui affirme dans l'acte de naissance de son fils quel était son lieu de naissance sans en apporter la preuve.
Chez ses parents sanguins ou nourriciers, il apprit sans doute le métier de charron, mais pour une raison inconnue (peut être eut-il maille à partir avec la justice) il s'engagea très jeune et, pendant quelques années, fut soldat, ce qui était le plus sûr moyen d'échapper aux forces de l'ordre. Mais il n'avait probablement pas la vocation, car il ne semble pas qu'il fût devenu même un simple sous-officier.
Il s'installa ensuite à Saint-Pierre de Tonnerre en tant que charron, fabricant de charrettes et de voitures (il connaissait donc bien ce métier),
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