Le méridien de Paris - Une randonnée à travers l'histoire
à ce qu’on cherche souvent à
du monde des vivants.
faire croire. Le plus grand dramaturge
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L e M é r i d i e n d e P a r i s
Entrée de la Comédie Française, place Colette français de tous les temps mourut en 1673 ;
Qu’à ces arts désolés font
son mécène Louis XIV ne signa le décret qui
des hommes cruels ?
décida de la fondation de la Société des
Ils privent de la sépulture
Comédiens français, appelée communé-
Celle qui dans la Grèce
ment Comédie-Française, que le 21 octobre
aurait eu des autels. »
1680. La Comédie n’est pas un théâtre, mais
une compagnie qui a joué dans les salles les
Molière, le patron
plus diverses. Les premières années, elle
des comédiens français
parcourut Paris à la recherche de locaux
adaptés. Mais dès que la Comédie voulait
Ce n’est qu’en 1799 que la compagnie
s’installer dans telle ou telle paroisse, le curé s’installa définitivement dans l’ancien
concerné protestait avec véhémence : la
Théâtre du Palais-Royal, appelé par la
comédie, c’était l’art du diable. Lorsqu’une
suite Théâtre français ou plus simplement
actrice célèbre, Adrienne Lecouvreur, con-
Le Français. C’est là, au Français, que
temporaine et amie de Voltaire, vint à
Molière a souvent joué avec sa propre
mourir à l’âge de trente-huit ans, le curé
troupe. Lors d’une représentation du Malade garda fermées les portes de Saint-Sulpice :
imaginaire (il jouait le rôle d’Argan), il fit un on lui refusa un enterrement religieux car
malaise qui devait l’emporter quelques jours
elle n’avait pas renié son métier à temps.
plus tard, à son domicile de la rue de
Voltaire a par la suite décrit comment son
Richelieu voisine. Il n’est donc pas mort sur corps fut enterré en catimini quelque part
scène comme le veut la légende, ni dans le
au bord de la Seine en pleine nuit, et il lui fauteuil qui servait dans la pièce, conservé
dédia un poème distribué sous le manteau.
comme une relique et exposé dans le hall du
théâtre. Mais, c’est vrai, il s’en fallut de peu.
« Que direz-vous, race future,
La Comédie-Française est donc l’occupant
Lorsque vous apprendrez
permanent du Théâtre français comme le
la flétrissante injure
furent Molière et sa troupe du roi. Dans la
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L e M é r i d i e n d e P a r i s
écrivit : « Sa Majesté a ordonné et ordonne
qu’à l’avenir lesdites deux troupes de
Comédiens français seront réunies pour ne
plus faire qu’une seule et même troupe qui
sera composée des acteurs et actrices dont
la liste sera arrêtée par Sa Majesté. Pour
leur donner moyen de se perfectionner de
plus en plus, Sa Majesté veut que ladite
seule troupe puisse représenter les
comédies dans Paris, faisant défenses à
tous autres Comédiens français de s’établir
dans la ville et faubourgs de Paris, sans
ordre exprès de Sa Majesté ».
Émile Fabre, directeur de 1915 à 1936,
résuma l’ingérence royale comme suit : « En
fait, la Société n’a plus de droits ; elle est dans la main du gouvernement. Qu’on le
veuille ou non, la Compagnie, dès sa fondation, a porté la marque de sa servitude ».
Après la période d’excitation révolutionnaire, l’empereur Napoléon lança un oukase, le
décret de Moscou (l’empereur se trouvait
Molière fit un malaise lors de la représentation du alors en Russie et ne savait pas encore ce
Malade imaginaire (dessin de Moreau le Jeune).
qui l’attendait à la Bérézina). Dans son livre La Comédie-Française , Patrick Devaux écrit : bouche du peuple, le Français est depuis
« Le décret de 1812 porte nettement le
devenu la Comédie-Française et pour
caractère d’un despotisme omniprésent et
simplifier la « maison de Molière ». C’est
[…] met quelque peu à mal les libertés
une question de subtilité parisienne !
corporatives de la Comédie. C’était sans
Dans les guides et les livres recensant les
doute le prix à payer pour la faveur dont
monuments historiques, la Comédie-
elle allait jouir sous l’Empire ».
Française fait souvent défaut, il faut alors
chercher à Théâtre français.
La situation n’a pas beaucoup changé. Le
directeur de la Comédie-Française, offi-
Sous la coupe des autorités
ciellement son administrateur, continue à
La fondation de la Société des Comédiens
être nommé par le chef d’État, donc de nos
français en 1680
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