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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de Saint-Jean et frère jumeau du Trastamare, lui était demeuré fidèle. L’année suivante, à Carmona, en décembre, il fit occire ses deux demi-frères : don Juan et don Pedro respectivement âgés de 19 et 14 ans. Et pour donner libre cours tant à sa soif de sang qu’à sa manie de thésauriser, il fit organiser des exécutions massives suivies de confiscations. Sa fortune en devint colossale sans que « la » Padilla s’en émerveillât.
    La révolte, évidemment, grondait de toutes parts. Pour avoir ses aises dans la répression, Pèdre conclut une trêve avec l’Aragon, mais il en éprouva un tel dépit qu’il s’en guérit, dit-on, par le meurtre de la douce et inoffensive Blanche de Bourbon dont le sort avait ému le Pape sans trop inquiéter sa famille.
    Revanche céleste pour tant de turpitudes ? Toujours est-il que le grand amour du roi de Castille, Maria de Padilla, mourut. La douleur de Pèdre fut tout aussi démesurée que ses crimes. Il légitima les enfants qu’elle lui avait donnés 2 .
    Assailli par les doléances et les supplications du Trastamare, et bien que connaissant les méfaits commis par les malandrins à sa solde, Charles V résolut de ne pas demeurer plus longtemps insensible à des tragédies où petitement mais sûrement, l’honneur de sa famille était impliqué. Sentant venir la tempête, Pèdre resserra son alliance avec le roi de Grenade en faisant arrêter et décapiter le rival de celui-ci : Abou-Saïd. Dans le même temps, le roi de France que la présence de milliers de routiers dans son royaume commençait à inquiéter plus qu’à l’ordinaire, décida d’intervenir. Pour lui, d’ailleurs, l’Espagne était un pays pourri. N’y voyait-on pas vivre ensemble, dans une abominable harmonie, des Maures, des Chrétiens et des Juifs ? Lancer toute la crapule de France sur l’Espagne en alléguant qu’il fallait en chasser les Maures et venger la malheureuse Blanche, quel débarras ! Mais quel chef donner à toutes ces cohortes ? Un routier bien sûr !… Lequel ? Bertrand Guesclin. N’avait-il pas fait ses sanglantes preuves un peu partout ?
    Le Breton s’était trouvé un admirateur en la personne d’Arnoul d’Audrehem. Le maréchal, il faut bien le dire, avait deux spécialités : confondre son escarcelle et celle du roi de France et arriver sur les lieux des batailles sitôt qu’elles s’achevaient afin de pouvoir s’inclure dans l’ost victorieux ou demeurer à l’écart en cas de défaite. Ce fut lui qui, à l’issue d’une convention signée à Clermont-Ferrand, le 23 juillet 1362, prit l’engagement d’exporter les Grandes Compagnies en Espagne. Cet accord fut confirmé à Paris, le 13 août suivant, et Guesclin désigné pour le commandement suprême – à condition que les chefs des routes l’acceptassent. Il était admiré par la truanderie. Sa compétence fut immédiatement agréée.
    D’autre part, lors d’un traité signé le vendredi saint 31 mars 1363 à Monzon, Pierre IV d’Aragon et le Trastamare s’étaient engagés à détrôner Pèdre à frais communs et à se partager la Castille. Ce pacte fut renouvelé le 2 janvier de l’année suivante.
    Tout était prêt pour que l’effroyable avalanche humaine descendît des Pyrénées (338) .
    Ce cataclysme entraînait dans ses remous deux hommes, deux chevaliers exempts de tout reproche :
    Tristan de Castelreng et son beau-père, Ogier d’Argouges, seigneur de Gratot en Cotentin.
    *
    Leur présence au sein de cette armée composée de 10 000 fredains (339) français, anglais, heimatlos, a été décidée par Bertrand Guesclin avec l’assentiment du roi de France. C’est pour se venger d’une double détestation – justifiée – que le Breton a obtenu de les inclure parmi les capitaines d’aventure et les quelques Grands du royaume engagés dans l’expédition. Tous sont certains de découronner Pierre le Cruel et d’installer sur son trône, à Burgos, leur pernicieux compère : Enrique de Trastamare.
    Sitôt les Pyrénées franchies, les exécutions, vols, viols, incendies commis envers des populations pacifiques dont certaines, malgré ses crimes, tenaient encore pour Pèdre, ne cessent de se multiplier. Les atrocités dont les Juifs sont victimes accroissent l’exécration de Tristan et de son beau-père envers le Breton qu’aucune horreur ne rebute. Argouges meurt à Briviesca au lendemain de la crémation de plus de deux cents Juifs dans l’église de

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