Le pas d'armes de Bordeaux
Qu’est-ce qu’un pas d’armes ?
Complément facultatif de la joute et du tournoi, le pas d’armes était l’imitation d’une opération de guerre, la défense ou l’attaque d’un pas ou passage : un pont, le seuil d’un château, la porte d’une cité. « Tenir le pas » incombait aux défenseurs ou « tenants ». Ils devaient repousser l’assaut des « venants » (ceux du dehors). Comme à la joute et au tournoi, les chevaliers rivalisaient de force et d’habileté à l’instar des preux des romans de Chevalerie. Plus ils ressemblaient à leurs héros, plus ils s’en montraient fiers.
On vit ainsi Roland défendant le pas de Roncevaux. On vit douze chevaliers gardant le pas « contre Salehedin et sa poissance, douze pers de France qui demorèrent en Raincevaux » (Froissait).
Le pas d’armes offrait l’agrément d’être varié à l’infini : par le choix du lieu à défendre, des armes à utiliser, des conditions du combat, et par l’imitation de quelque prouesse fameuse dans la réalité ou le roman. « Par là , écrit Jusserand (336) , on donnait à ces exercices un caractère dramatique et romanesque qui en augmentait l’intérêt. La reproduction de tel ou tel pas fameux revient constamment dans les fêtes du Moyen Âge. Par exemple le pas de Saladin où l’on reproduisait les exploits semi-légendaires du sultan et de Richard Cœur-de-Lion. Tantôt c’étaient de vrais combats (sans haine), tantôt de simples spectacles pour enchanter les regards, mais où l’on donnait et recevait encore, au hasard de la représentation, des horions très réels. »
Un pas de Saladin fut créé à Paris lors de l’entrée de Charles VI et d’Isabeau de Bavière peu après leur mariage. Il tourna à « une grande bataille ».
« Ces jeux héroïques, poursuit Jusserand, avaient une telle importance et formaient des souvenirs si plaisants qu’on en perpétuait le souvenir en les faisant représenter en tapisseries. Le Prince Noir possédait de très belles tapisseries du pas de Saladin, qu’il mentionne dans son testament et lègue à son fils, qui allait être le roi Richard II : "Nous devisons à notre fils la salle d’arras du pas de Saladin. " (7 juin 1376, veille de sa mort). »
Comme on a pu l’observer à la lecture des premiers tomes de ce cycle où le cheminement du roman coïncide avec celui de l’Histoire, la France de la seconde moitié du XIVe siècle subissait, depuis la défaite de Poitiers (19 septembre 1356) une « occupation » terrible et quasiment irrémédiable : celle des routiers. Il avait suffi de trois décennies pour que le pays, sous l’obédience de rois prétentieux, ignares et dépensiers, perdît en Europe tout son prestige. Après la capture de Jean le Bon dans la plaine de Nouaillé-Maupertuis, la France, soudainement rétrécie et frappée d’une rançon énorme, devint le dépotoir de la pègre : un état déliquescent que les malandrins de toutes les nationalités, les mécontents chroniques, les seigneurs dévoyés et les déserteurs des armées dissoutes dépeçaient à qui mieux mieux tout en l’appelant leur paradis. Et pour cause chaque fois qu’elle était décidée à Paris, la répression incarnée par des maréchaux présomptueux, mais d’une impéritie indigne, tournait à l’avantage des fripouilles. Jamais, contrairement aux stratèges anglais, les grands maîtres des armées françaises ne comprirent que les batailles se gagnaient grâce à une piétaille étroitement unie à une chevalerie perspicace et disciplinée.
Bien que, contrairement à sa voisine, elle n’eût point à souffrir des exactions d’innombrables bandes infernales, l’Espagne connaissait aussi des jours et des nuits de ténèbres et de sang. Un tyran y gouvernait. Son sceptre était un glaive et son règne, d’exécutions en exécutions – le pluriel s’impose -, l’accomplissement d’une vengeance inassouvissable. Était-il fou ? Certes non. Enfant, cet homme avait subi sans trêve les humiliations d’un père ignominieux et les affronts des bâtards qu’il avait eus de sa maîtresse préférée. Fils d’Alphonse XI dit le Vengeur et de Marie de Portugal, Pèdre I er fut surnommé le Cruel. Il fut l’opprobre de son pays et la hideur de son temps.
Au milieu du XIV e siècle, l’expulsion des Maures d’Espagne pouvait être envisagée. L’épicentre de leur puissance n’était plus situé dans la péninsule
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