Le pays de la liberté
soulevé du sol et l‚cha tout à la fois Wullie et Jen. Projeté en l'air, il sentit une vague de chaleur br˚lante et il fut certain qu'il allait mourir.
Puis il plongea la tête la première dans l'eau glacée : il comprit qu'il avait été projeté dans la flaque d'écoulement au fond du puits de mine.
Et qu'il était encore en vie.
Il revint à la surface et se frotta les yeux.
La plate-forme et les marches de bois se consumaient par endroits et les flammes éclairaient la scène d'une lueur dansante. Mack aperçut Jen qui s'ébrouait et s'étranglait. Il l'empoigna et la tira hors de l'eau.
Suffoquant, elle cria : Ó˘ est Wullie ? ª
Sans doute avait-il été assommé, se dit Mack. Il explora la petite mare, se heurtant à la chaîne des seaux qui avait cessé de fonctionner. Il finit par trouver quelque chose qui flottait et qui se révéla être Wullie. Il poussa le jeune garçon sur la plate-forme auprès de sa mère et y grimpa à son tour.
Wullie se redressa en recrachant de l'eau. ´Dieu soit loué, sanglota Jen.
Il est en vie. ª
Mack regarda dans le tunnel. De petites bouffées de gaz br˚laient encore de façon sporadique comme des feux de la Saint-Jean. ´ Remontons l'escalier, dit-95
il. Il pourrait y avoir une seconde explosion. ª II remit debout Jen et Wullie et les poussa devant lui. Jen souleva Wullie dans ses bras et le jeta sur son épaule : ce poids-là n'était rien pour une femme capable de porter à vingt reprises dans une journée de quinze heures un corf plein de charbon par cet escalier.
Mack hésita, regarda les petites flammes qui léchaient les dernières marches. Si tout l'escalier br˚lait, le puits serait peut-être impossible à exploiter pendant des semaines, pendant qu'on le reconstruirait. Il prit encore quelques secondes pour jeter de l'eau sur les flammes et les éteindre. Puis il suivit Jen. quand il arriva en haut, il se sentait épuisé, meurtri et étourdi. Il fut aussitôt entouré d'une foule de gens qui lui serraient la main, lui donnaient des tapes dans le dos et le félicitaient. La foule s'écarta devant Jay Jamisson et la personne qui était avec lui : Mack reconnut de nouveau Lizzie habillée en homme. ´Beau travail, McAsh, dit Jay. Ma famille apprécie votre courage. ª
L'insolent salopard, se dit Mack. ÍI n'y a donc vraiment aucun autre moyen, demanda Lizzie, de se débarrasser du grisou?
- Non, dit Jay.
- Bien s˚r que si, fit Mack, reprenant son souffle.
- Vraiment? fit Lizzie. Lequel?ª
Mack reprit son souffle. Ón enfonce des conduits de ventilation qui laissent le gaz s'échapper avant qu'il puisse s'accumuler. ª II prit une profonde inspiration. Ón l'a dit et redit aux Jamisson. ª
II y eut un murmure approbateur parmi les mineurs qui faisaient cercle autour d'eux.
Lizzie se tourna vers Jay. Álors, pourquoi ne le faites-vous pas ?
- Vous ne comprenez pas le commerce... Pourquoi d'ailleurs comprendriez-vous? fit Jay. Un homme d'affaires ne peut pas faire les frais d'un procédé
co˚teux quand une méthode moins chère donne
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le même résultat. Ses concurrents feraient des prix plus bas que les siens.
C'est de l'économie politique.
- Appelez ça d'un nom pompeux si vous voulez, fit Mack, encore essoufflé.
Les pauvres bougres appellent ça de l'affreuse cupidité. ª
Un ou deux mineurs crièrent: Óh oui! c'est vrai!
- Voyons, McAsh, fit Jay d'un ton de reproche. N'allez pas tout g‚cher en parlant encore une fois au-dessus de votre condition. Vous allez vraiment vous attirer des ennuis.
- Je n'ai aucun ennui, répliqua Mack. Aujourd'hui, c'est mon vingt-deuxième anniversaire. ª II n'avait pas l'intention d'en parler mais, maintenant, il ne pouvait s'arrêter. ´Je n'ai pas travaillé ici toute une année et un jour, pas tout à fait... et je n'en ai pas l'intention.ª La foule soudain se tut et Mack se sentit empli d'un grisant sentiment de liberté. ´Je m'en vais, Mr. Jamisson, annonça-t-il. Je pars. Adieu. ª II tourna le dos à Jay et, dans un silence total, il s'éloigna.
Le temps que Jay et Lizzie soient de retour au ch‚teau, huit ou dix serviteurs s'affairaient à allumer des feux et à balayer les sols à la lueur des chandelles. Lizzie, noire de poussier et recrue de fatigue, remercia Jay dans un murmure et monta l'escalier d'un pas chancelant. Jay ordonna qu'on apporte dans sa chambre un tub et de l'eau chaude, puis il prit un bain, en se frictionnant la peau avec une pierre ponce pour enlever la
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