Le pays de la liberté

ne pensait pas souvent à la religion, mais il croyait que Dieu devait être miséricordieux. Il n'avait pourtant pas envie de mourir maintenant : il n'avait rien fait, rien vu, il n'était allé nulle part. Jusqu'à maintenant, il avait passé toute sa vie comme un esclave. Si je survis à cette nuit, se jura-t-il, je quitterai le Glen aujourd'hui. J'embrasserai Annie, je dirai adieu à Esther, je braverai les Jamisson et je m'en irai d'ici, devant Dieu je le jure.
    La quantité de ficelle qu'il avait maintenant entre les mains lui dit que la torche était à peu près à mi-chemin. Elle pouvait à tout instant enflammer le grisou. Toutefois, peut-être le gaz ne prendrait-il pas feu du tout. Parfois, lui avait raconté son père, il semblait disparaître, personne ne savait o˘.
    Il sentit une légère résistance: la torche frottait contre la paroi là o˘
    la galerie s'incurvait. S'il regardait dehors, il la verrait sans doute. Le gaz n'allait s˚rement pas tarder à sauter, songea-t-il.
    Là-dessus, il entendit une voix.
    Ce fut d'abord un tel choc qu'il crut qu'il vivait une expérience surnaturelle, et qu'il allait rencontrer un fantôme ou un démon.
    Puis il se rendit compte que ce n'était ni l'un ni l'autre : ce qu'il entendait, c'était la voix d'un petit enfant terrifié qui pleurait en disant: Ó˘ sont les autres ? ª
    Mack sentit son cúur s'arrêter.
    Il comprit tout de suite ce qui s'était passé. quand, jeune garçon, il travaillait dans la mine, il s'était souvent endormi durant ses journées de quinze heures. Cet enfant en avait fait autant et avait dormi pendant qu'on sonnait l'alarme. Puis il s'était réveillé, avait trouvé la galerie abandonnée et s'était affolé.
    Il ne fallut à Mack qu'une fraction de seconde pour comprendre ce qu'il avait à faire.
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    Il repoussa la planche et bondit hors de sa tranchée. La scène était illuminée par la torche qui br˚lait : il voyait le jeune garçon déboucher d'une galerie latérale en se frottant les yeux et en gémissant. C'était Wullie, le fils de Jen, la cousine de Mack. Óncle Mack! ª dit-il, tout joyeux.
    Mack se précipita vers l'enfant, tout en se débarrassant de la couverture trempée qui l'entourait. Il n'y avait pas de place pour deux dans la petite tranchée: ils allaient devoir tenter d'atteindre le puits avant que le gaz explose. Mack enroula l'enfant dans la couverture mouillée en disant: ÍI y a du grisou, Wullie : il faut qu'on sorte d'ici ! ª II le souleva, le fourra sous un bras et partit en courant.
    En approchant de la torche enflammée, il pria le ciel qu'elle n'enflamme pas le gaz et il s'entendit lui-même crier : ´ Pas encore ! pas encore ! ª.

    Puis ils la
    dépassèrent.
    Le garçon était léger, mais c'était dur de courir courbé en deux et le sol sous ses pas rendait la chose encore plus difficile : boueux par endroits, couvert ailleurs d'une épaisse couche de poussier, toujours inégal, avec des saillies rocheuses sur lesquelles on trébuchait. Mack cependant fonçait sans s'en soucier, achoppant parfois sur une pierre mais réussissant à ne pas tomber, guettant le bang qui pourrait bien être le dernier son qu'il entendrait jamais.
    Il franchit la courbe de la galerie : la lueur de la torche n'éclairait plus rien. Il continua à courir dans l'obscurité mais, au bout de quelques secondes, il heurta la paroi de plein fouet et tomba la tête la première, l
    ‚chant Wullie. Jurant, il parvint à se remettre debout.
    Le petit garçon se mit à pleurer. Mack le repéra en l'entendant sangloter et le reprit dans ses bras. Il s'obligeait maintenant à avancer plus lentement, t‚tant de sa main libre la paroi du tunnel et maudissant l'obscurité. Puis la flamme d'une chandelle
    i
    apparut devant lui à l'entrée de la galerie et Mack entendit la voix de Jen qui criait: ´Wullie! Wullie!
    - Je l'ai avec moi, Jen ! cria Mack en se mettant à courir. Remonte l'escalier!ª
    Sans l'écouter, elle se précipita au-devant de lui.
    Il n'était qu'à quelques mètres du bout du tunnel : quelques mètres encore et il serait en s˚reté.
    ´ Reviens !...ª hurla-t-il, mais elle avançait toujours à sa rencontre.
    Il la heurta et la souleva de son bras libre.
    ¿ cet instant, le gaz explosa.
    Pendant une fraction de seconde, il y eut un sifflement à vous percer les oreilles, puis un choc formidable et assourdissant qui ébranla la terre.
    Mack eut l'impression qu'un poing gigantesque lui frappait le dos. Il fut