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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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avec précaution, mais rien ne se passa. Pas de douleur. Rien. Elle regarda autour d’elle.
    Sur le sol se desséchaient des jonchées de bruyère, de pimprenelle et de menthe d’eau dont elle sentait l’odeur aigrelette. Par la fenêtre entrait le souffle du vent. Au loin grondait la mer.
    Elle avait été heureuse ici. Elle avait vécu insouciante et gaie, entourée d’autres enfants et de serviteurs attentifs. Tant de souvenirs lui revenaient.
    L’un d’eux surtout. Un souvenir d’amour. Le seul.
    Il avait treize ans et elle dix. Elle se souvenait de ses yeux pâles ombrés de longs cils. Il lui avait juré de ne jamais en aimer une autre. Elle ne l’avait plus jamais revu.
    Un goût de bile lui monta aux lèvres. Comment s’appelait-il déjà ? Elle chercha en vain le nom de son amour perdu.
    Sa mémoire allait et venait comme les marées qui arrachent aux profondeurs de longues algues brunes. Mécontente d’elle-même, elle secoua la tête. Était-il seulement encore en vie ? Il faudrait qu’elle parle de lui à frère Baptiste. Il se rappellerait, lui. Et puis, l’autre question qui soudain devenait plus importante que tout : avait-il aimé une autre femme ou bien lui était-il resté fidèle ?
    Elle saisit le petit miroir d’étain sur la tablette près du lit et s’observa.
    Maintenant il ne la reconnaîtrait plus. Elle perdait ses cheveux, le blanc de ses yeux était jaune, ses gencives saignaient.
    Pourtant, chaque nuit, Ranulphe, son époux, venait la visiter et prendre son plaisir en silence. Obstinément. Elle porta la main à son bas-ventre. Le souvenir de l’ardeur de son seigneur, cette passion physique qu’il avait toujours eue pour elle, était une autre douleur.
    La Roussette, qui somnolait, roulée en boule sur une paillasse au pied du lit, se redressa au cri que poussa Muriel.
    — Maîtresse ?
    — Préviens mon fils que je veux le voir, et mon frère aussi ! ordonna Muriel en étouffant un gémissement.
    Le mal revenait.
    — Vite !
    La gamine écarquilla les yeux et bégaya un « oui » effrayé.
    — Eh bien, qu’as-tu à me regarder ainsi ? Va !
    Elle détala.
    La douleur passa. Mais la femme savait qu’elle allait revenir. Bientôt, très bientôt. La pensée de Muriel s’égara puis revint vers son frère. Serlon...
    Il s’était débarrassé d’elle en l’envoyant à dix ans chez Ranulphe. Il avait abattu tout ce qui se mettait en travers de son chemin. Les gens n’étaient que des pièces sur son jeu d’eschets. Il y avait les pièces maîtresses comme le sénéchal de Normandie et les autres, toutes les autres... et puis il y avait eu son fils, le bel Osvald. Celui qui devait lui succéder et en qui il avait mis tous ses espoirs. Mais Osvald était mort.
    Le souvenir de son neveu Osvald la ramena à la naissance de son premier enfant : Mauger, son fils chéri, et puis, à celle de tous les autres.
    Les morts. Les anges sans nom qu’on enterrait le long des remparts du manoir de l’Épine. Les baptisés qu’on conduisait au cimetière. De ses innombrables grossesses, il ne restait que Mauger et Clotilde, sa petite dernière, âgée de six ans. Sa vie s’était écoulée loin de la mer qu’elle aimait tant.
    Pour la première fois depuis bien longtemps, elle songea à Robert. Qu’était-il devenu, lui aussi ? Elle se reprocha de ne jamais avoir essayé de le revoir après la visite qu’il lui avait faite à l’Épine voilà bientôt deux ans. Mais son mari le lui avait interdit.
    Muriel sentit son coeur se serrer. Elle aurait dû l’aider. Mais le pouvait-elle ? Elle était si seule. Et maintenant, il était trop tard, à moins que frère Baptiste...
    Ses pensées voletaient comme des hirondelles affolées par l’orage. Un horrible sentiment de tristesse, de solitude, d’abandon l’envahissait. Désespérance... Personne ne tenait à elle.
    Non, elle était injuste, son fils Mauger l’aimait. Mais ces derniers temps, il la venait visiter moins souvent. Lui, d’habitude si affectueux, semblait distrait. Elle trembla de froid et de faiblesse. Que faisait la Roussette ? Pourquoi Bertrade n’était-elle pas encore arrivée ?
    Elle se mourait. Sinon, comment expliquer ces cauchemars, ces angoisses, cet éloignement du monde qui la prenait de plus en plus ? La Roussette revint et à sa mine désolée, elle comprit qu’elle avait échoué.
    — Mon fils ?
    — J’I’as point vu. L’est pas à sa chambre.
    — Et mon

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