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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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aussi là-bas ?
    — Oui, c’est vrai que je vous ai davantage parlé des Pouilles que de cette lointaine île aux portes de l’Afrique. Et pourtant... Le temps me presse et il me reste tant à vous enseigner !
    — Vous ne m’avez pas dit le nom de cet homme...
    — Bartolomeo d’Avellino. Si ce que je crois est juste, il nous cherche.
    — C’est pour cela que vous restiez sur les remparts ?
    — Oui, vous avez dit à l’enfant où nous logions et cet homme n’avait plus qu’à remonter la piste. Dorénavant, d’ailleurs, je vous saurais gré de ne plus sortir seul comme vous le faisiez.
    — Si vous m’aviez prévenu je n’aurais pas parlé à ce gamin... Et pourquoi cet homme aurait-il attendu deux jours avant de se montrer ?
    — Pourquoi irait-il plus vite ?
    — Mais enfin, que veut-il ?
    — Nous rendre hommage ou nous assassiner.
    Tancrède avala sa salive. Il allait en demander plus, mais Hugues avait saisi sous son lit deux petits chaussons brodés qu’il brandit en l’air :
    — Au fait, j’ai trouvé ceci dans notre chambre.
    Le jeune homme s’empourpra.
    — Je...
    — Laquelle est-ce ?
    — Randi, messire. Je... Elle m’attendait dans mon lit.
    Un soupir échappa à l’Oriental.
    — Je vous en fais promesse, messire, je dis la vérité.
    — On tue, on empoisonne, on se querelle, on rôde... Et vous, vous mettez les filles de notre hôte dans votre lit.
    — Je ne... Je vous assure...
    — Dans ce domaine, rien n’est sûr. Elle est donc partie pieds nus ? Pourquoi ?
    — Je l’ai repoussée et elle s’est sauvée. Je l’ai cherchée tout aujourd’hui en vain. Je voulais m’expliquer. J’ai peur...
    Il se tut, craignant que son maître se moque de ses inquiétudes.
    — Vous craignez pour sa vie ?
    — Oui. Elle paraît si désemparée !
    — Et vous bien jeune, soudain.
    Tancrède sentit le reproche dans le ton de son maître et s’en voulut de s’être confié.
    — Allons, ne faites pas cette tête. Le mieux serait que vous continuiez à la chercher cette nuit. Elle doit être cachée dans quelque recoin. Allez, et si vous trouvez cette enfant, ramenez-la-moi ! Et n’oubliez pas votre poignard !
    Le visage de son maître était sérieux. Tancrède hocha la tête, se leva et noua à nouveau sa ceinture dans laquelle il glissa son arme.
    — Avant que je sorte, je voudrais vous demander si vous savez quelque chose sur le fils de Serlon : Osvald.
    — Il est assez drôle que vous me posiez cette question maintenant. Vous me parlez de Randi et vous pensez à Sigrid, n’est-ce pas ?
    Le jeune homme resta stupéfait par la clairvoyance de son maître.
    — Comment le savez-vous ?
    — Je vous connais depuis si longtemps, Tancrède... Pour Osvald, il est mort l’an dernier de mort violente. Voilà tout. Je ne sais pas comment et, ici, personne ne veut en parler, surtout pas son père.
    — Vous a-t-il montré son gisant ?
    — Je ne savais pas qu’il y avait un gisant. Vous l’avez vu ?
    — Oui, c’est Sigrid qui m’y a conduit. Il est dans une chambre dans la partie souterraine du donjon. Il ressemblait à sa soeur et à son père. Est-il vrai que Serlon veut se remarier ?
    — Que de questions !... Qui vous a dit ça ?
    — Sigrid.
    — Eh bien, oui, Serlon veut un héritier.
    — Mais il a Sigrid ! Il y a bien eu un précédent de succession par les femmes avec Mathilde l’Emperesse !
    — Justement. Ce fut l’un des moments les plus difficiles de l’histoire normande. Non, Serlon est encore jeune, il veut un mâle.
    — Pourtant...
    — Cette Sigrid est une drôle de fille... Allez, maintenant !
    Il lui tendit son burnous.
    — Prenez ça, la nuit va être glaciale. Et tâchez de trouver la propriétaire de ces chaussons.
    Alors qu’il refermait la porte, Tancrède remarqua que son maître, l’air soucieux, se penchait à nouveau sur sa tablette de cire. Il avait besoin d’être seul, ce qui expliquait aussi pourquoi il l’avait si rapidement poussé dehors.

40
    Tancrède sortit des cuisines en vacillant. Il chantonnait :
    La sirène en mer hante
Contre tempête chante
Et pleure en beau temps,
Car tel est son talent {5} ...
    Il trébucha, s’arrêta, essayant de se souvenir de la suite. Cervoise, poiré, hydromel, vin chaud... Il avait tant bu qu’il ne savait plus combien de cruches il avait vidées. Cuisinier, sergents, forgeron, fauconnier... Tous lui avaient parlé, aucun n’avait vu

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