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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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sur le sol.

36
    Il allait bientôt faire nuit quand Aubré ouvrit à la volée la porte de l’infirmerie. Frère Baptiste, qui discutait avec Hugues et Tancrède, se précipita vers lui.
    — J’étais inquiet, mon frère.
    — Inquiet ! Que croyez-vous qu’il puisse encore m’arriver ? Je suis déjà mort. C’est du moins ce qui conviendrait à certains.
    — Où étiez-vous ?
    — Où vouliez-vous que je sois ? Sur la lande ! Je n’y étais pas seul, d’ailleurs. Un cavalier noir rôdait autour de Pirou. Peut-être est-ce la Mort ?
    À ces mots, Hugues s’était rembruni, il s’approcha pourtant du moine et lui dit :
    — Je suis content de vous revoir, mon frère. Je disais justement qu’il faudrait vous conter ce que nous avons appris.
    — Oui, insista l’aumônier. Venez vous asseoir et prenons un peu de cervoise.
    Il frissonna :
    — Ce soir, le vent me paraît plus glacial encore.
    Tout en marmonnant, Aubré finit par s’asseoir. Il but et écouta sans l’interrompre le récit fait par l’Oriental. Enfin, il se leva et alla à l’autel devant lequel il s’agenouilla, puis il revint vers eux avec sur le visage une expression décidée.
    — Je le savais, dit-il. Je connais les herbes et leurs effets. Il faut retrouver cet homme et le punir pour son geste infâme. Muriel était... tout ce qui me rattachait encore au siècle. Adieu, messire de Tarse, adieu Tancrède. Baptiste, je vais chercher mes affaires dans votre cellule, je rentre à Savigny !
    Et avant qu’ils aient pu faire un geste, il sortit. L’aumônier lui courut après. On entendit sa voix qui protestait :
    — Attendez au moins l’aube, mon frère. La nuit va tomber. La lande n’est point bonne pour les voyageurs...
    — La lande est davantage ma maison que ce château où l’on a assassiné le seul être qui m’avait donné son affection !
     
    La porte extérieure claqua. Baptiste revint, les épaules basses.
    — Il a la tête plus dure qu’un chêne !
    — Ne croyez-vous pas qu’il serait temps pour vous de nous dire qui il est vraiment ? répondit Hugues.
    — Je ne peux pas vous répondre, messire. J’ai fait serment et ne veux pas vous mentir.
    — Alors je lui poserai la question, à lui ou à son abbé, même s’il me faut pour cela aller jusqu’à Savigny !

37
    — Non, messire, il n’est toujours pas rentré, murmura le serviteur.
    L’homme se baissa juste à temps pour éviter la cruche de vin qui explosa contre le mur.
    — Va-t’en ! hurla Serlon. Qu’on me laisse seul !
    Plusieurs heures déjà que le seigneur de Pirou s’était enfermé dans la grand-salle avec ses chiens. Il avait demandé qu’on vienne le prévenir dès que son parent serait de retour, mais cela ne l’empêchait pas d’appeler souvent pour demander si le guet avait vu quelque chose.
    Il regarda par la fenêtre. Les ombres s’allongeaient. La nuit serait bientôt là.
    — Maudit ! Où es-tu allé ? J’aurais dû te poursuivre. Par ma vie, je te retrouverai et tu paieras !
    Et dans un furieux mouvement de colère, il renversa la table. Coupes et aiguière d’hydromel se fracassèrent sur le sol. Le liquide ambré se répandit, détrempant les tapis de laine.
    À l’autre bout de la pièce, les lévriers, terrés sous un banc, fixaient ce maître qui allait et venait en rugissant comme une bête sauvage.
    Enfin, Serlon sortit en claquant la porte. Les serviteurs s’égaillèrent devant lui. Il descendit les marches quatre à quatre et fut bientôt dans le sous-sol.
    Il saisit une des torches fichées au mur, marcha d’un pas décidé dans les étroits couloirs et ouvrit sans hésiter la porte menant à la tombe de son fils. Il la referma et, après avoir allumé les candélabres, se jeta au pied de la statue.
    — Pourquoi m’as-tu abandonné, Osvald ? Pourquoi ?
    Seuls le silence et les cris d’un rat dans la pénombre lui répondirent. Il secoua la tête et, comme à chaque fois qu’il se trouvait là, sentit le désespoir l’envahir.
    — Que dois-je faire ?
    Le silence, un bruit d’eau qui goutte. L’odeur de salpêtre. La fuite des rongeurs. La lumière du candélabre sur le visage de pierre d’Osvald.
    — Ranulphe a tué Muriel ! s’écria-t-il. Je vais le tailler de mon fer ! Il n’y aura pas d’autre justice que la mienne. Je lui arracherai la tête, tu entends, Osvald ?
    Alors qu’il disait ces mots, il sembla à Serlon que les lèvres du gisant avaient

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