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Le peuple du vent

Le peuple du vent

Titel: Le peuple du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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château.

62
    — Que va-t-il se passer ? fit Tancrède au bout d’un moment.
    Ils étaient assis sur leurs paillasses dans la chambre.
    — Nous allons partir, jamais je n’aurais dû vous mêler à tout ça. Par ma faute, vous avez failli mourir.
    — Jamais Sigrid ne m’aurait tué, protesta Tancrède. Vous ne m’avez pas répondu.
    — Serlon lancera ses hommes à ses trousses dès que le soleil pointera.
    — Et Jehan ?
    — Je ne donne guère cher de sa vie. Je comprends mieux la complicité amoureuse qu’il y avait entre ces deux-là. Il lui a sauvé la vie, là-bas sur la grève. Il était son seul allié dans la place.
    — Je vous ai admiré pendant tout ce temps où vous avez dénoué l’écheveau de tout cela, cependant...
    — Cependant ?
    Le jeune homme hésita, puis finit par dire :
    — Si vous aviez tout deviné... Pourquoi n’avez-vous pas tout simplement demandé à Jehan d’ôter sa cotte ? On aurait vu sa blessure, et le reste aurait été de soi.
    — Mais au lieu de ça, j’ai voulu continuer mon brillant discours. Le livre des Proverbes dit : « L’orgueil précède la ruine et la hauteur précède la chute {6} . » Ce n’était rien que de l’orgueil et, à cause de cela, j’ai failli vous perdre...
    Tancrède secoua la tête.
    — Vous êtes toujours plus sévère envers vous qu’envers moi, mon maître. Mais sans vous, jamais personne n’aurait vu goutte dans tout cela.
    — Qui sait ?
    Le jeune homme était songeur.
    — Je me rappelle les paroles de Sigrid... Dès le début, quand nous avons rejoint la chapelle au péril des flots, elle m’avait donné la clé de tout. Elle enrageait de ne pas être un homme, elle enviait ma liberté et se désespérait de la rudesse de son père.
    — Oui, et sans doute y a-t-il eu bien des blessures, bien des paroles terribles entre eux pour qu’elle en arrive à vouloir le tuer.
    — Et frère Aubré ?
    — Je l’ai laissé avec Serlon dans la salle des plaids. Serlon a repris des forces et tout cela, au lieu de l’avoir abattu, semble lui avoir redonné vie.
    — Singulier personnage ! Que va-t-il se passer entre eux ?
    — On peut espérer que Serlon écoutera son cousin.
    — Vous ne semblez pas convaincu.
    La nuit tombait, Hugues alluma la lampe à huile et s’allongea tout habillé.
    — Je dois dormir, fit-il en fermant les paupières.
    Tancrède resta assis, écoutant le silence dehors. Le vent était tombé. Il ne put s’empêcher de penser à la terrible prophétie d’Aubré.
    Qu’allait-il advenir de Sigrid ? Où était-elle allée ? Il l’imagina galopant vers la mer. Il frissonna et resserra les pans de son burnous autour de lui.
    Était-ce un effet de son imagination ? Mais il lui semblait que le froid s’était encore accru. Il ferma les yeux et tomba dans un sommeil agité.

LA DAME BLANCHE

63
    Le son aigu des trompes réveilla Tancrède. L’alerte ! Il se mit debout d’un bond et s’aperçut qu’il avait dormi tout habillé et que la couche à côté de la sienne était vide.
    Le brasero s’était éteint et il faisait un froid de loup. Il repoussa le volet qui craqua en s’ouvrant, recouvert d’une mince pellicule de gel.
    Tancrède, saisi par la vision qu’il avait sous les yeux, repensa à la sinistre prophétie d’Aubré : « La glace prendra les arbres, les rivières et les lacs. La mer gèlera et dans ses vagues immobiles reposera à jamais la dame blanche ! »
    Dehors, tout était livide et pâle, rien à voir avec le voile léger, transparent du givre, c’était de la glace qui s’étendait là. Les dunes et la lande étaient immobiles, prisonnières de cette singulière et inhabituelle carapace.
    Il n’y avait pas un oiseau dans le ciel, pas un animal en vue. En contrebas, l’eau des douves avait pris, elle aussi, recouverte d’une pellicule crayeuse.
    Tancrède frissonna et tenta en vain de se réchauffer en frappant ses mains l’une contre l’autre. Il attrapa dans le coffre une cape doublée de fourrure dont il se recouvrit et des gants.
    La trompe sonnait toujours.
    Quelques secondes plus tard, bousculant les serviteurs qui, comme lui, se précipitaient dans les escaliers, il dévalait les étages et atteignait la basse-cour. Jamais il n’avait senti sur sa chair un froid si dur. L’impression que des aiguilles lui piquaient le visage.
    Un attroupement se formait au pied du donjon. Hugues en sortit et, l’apercevant, le

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