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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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d’un diadème, agitait doucement la main dans la brise. Etait-ce cette Severina que Tazzio désirait si ardemment, et dont Spadetti avait parlé à Pietro lors de leur entrevue à Murano ? On serait tombé amoureux à moins, Pietro en serait convenu sans mal. Severina était sublime, en son fourreau de verre lamé, strié d’ourlets opalescents, serré de sa ceinture de perles et d’une boucle en étoile, avec sa collerette de verre filé, ses langues de cristal, chatoyantes de mille reflets, celui du palais ducal, de la flèche élancée du Campanile, des ailes vengeresses du lion dominant la lagune, ou encore des visages de la foule ébahie; oui, dans ces reflets se lisait en définitive toute l’histoire de Venise, brûlante d’un feu d’artifice de couleurs et de scintillements.
    Et Severina continuait d’agiter la main en souriant.
    A côté d’elle se tenait son jeune soupirant Tazzio, ange blond au visage pâle, Adonis guettant le soleil ou Apollon conduisant son char, défiant le firmament de ses hyperboles. La bannière dressée, Tazzio affichait un air sombre, qui contrastait singulièrement avec les lumineux sourires de Severina. Il n’avait pas quitté ses habits de deuil, et portait un long manteau par-dessus son justaucorps noir, aux manches passementées d’or. Il levait le nez comme s’il se fût trouvé à la proue d’un navire et, derrière lui, à pied, deux mille ouvriers de la Guilde défilaient au pas, dans une nouvelle profusion d’étendards et de bannières. Maillets et compas jaunes sur fond pourpre, navires guettant les vents sur les drapeaux bleus, fauves rugissants sur des pennons blancs ou noirs, la longue procession s’étirait de la place jusqu’à l’Arsenal, Riva Ca’ di Dio. Bientôt, le char de Tazzio passa sous la tribune de la basilique et s’arrêta. Une main sur le coeur, Tazzio s’inclina en signe de déférence. Sous les fameux bucéphales sculptés qui ornaient la tribune, se trouvait Son Altesse Sérénissime, le Doge de Venise. Il faisait des signes de la main; il invita le jeune homme à se redresser. Celui-ci obtempéra et désigna au Prince la belle Severina et sa robe de cristal. Il y eut un nouveau tonnerre d’applaudissements. Pour toute réponse, Francesco Loredan prit dans une panière qu’on lui apportait une poignée de fleurs, qu’il dispersa au-dessus du jeune couple; puis il montra à la population une médaille en étoiles d’or que Tazzio, à la nuit tombée, recevrait de ses mains. Le jeune homme, lentement, se dérida : il échangea alors avec Severina un franc sourire et déposa sur ses lèvres un baiser.
    Pietro, pendant ce temps, continuait de chercher le Minotaure. Il le retrouva enfin ; il était passé de l’autre côté de la procession. Après les hommages reçus et rendus sous la tribune de la basilique, le défilé glissait devant les Procuratie , faisait le tour de la place en contournant une arène de bois montée pour l’occasion, et repartait sur les quais par la Piazetta . Pietro et la figure étrange qu’il avait suivie étaient maintenant séparés par cette foule innombrable. Les deux hommes se toisèrent de part et d’autre de la parade, sans bouger. Le temps sembla de nouveau suspendu. Ils restaient là, l’un en monstre énigmatique et cornu, surplombant de sa haute stature deux courtisanes masquées, l’autre cachant ses armes sous le manteau, le visage tendu, n’attendant que le moment de s’élancer... Enfin, lorsque fut passée la dernière des confréries de métiers, Pietro crut que l’instant était venu et se jeta en avant. Mais dans l’espace laissé vacant s’était aussitôt engouffrée la populace, ajustant son pas sur celui des corporations et continuant de les fêter, tantôt en les acclamant, tantôt en singeant leur démarche. L'étau se resserra immédiatement sur Pietro, de plus en plus oppressé. De nouveau, le Minotaure avait disparu de sa vue. Il resta ainsi plusieurs minutes à essayer de percer le rideau infranchissable des badauds vénitiens, qui le refoulaient inexorablement vers les Procuratie .
    Depuis le début du jour, de nombreuses messes avaient été organisées; les cloches sonnaient dans la ville à toute volée. Après un bref détour au palais, Francesco Loredan fit de nouveau son apparition. Il venait de prendre place dans le pozetto , vaste siège porté à dos d’hommes, en compagnie du commandant suprême de l’Arsenal, et passait parmi la foule. Cela ne fit

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