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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bien sûr ! Je connais. C'est le domaine du vieux Cornfield. Un despote intransigeant, mais un vrai seigneur, celui-là. Vous auriez pu tomber plus mal. Il est loin d'être fou, comme le dit son neveu. Les Cornfield n'ont jamais eu d'esclaves depuis que Charles II fit don de ce grand caillou au premier lord de la lignée.
     
    – Cornfield, c'est bien le nom du propriétaire qu'a prononcé le major Carver, confirma Charles.
     
    – J'ai vu tout à l'heure, sur le Saint Katharine's Dock, le trois-mâts de Cornfield, le Phoenix . Un fameux voilier, un clipper de Baltimore revu, m'a-t-on dit, pour l'aménagement intérieur, par le fameux constructeur Retire Becket, de Boston. L'an dernier, le New York Yacht Club, qui se veut le rival de notre prestigieux Royal Yacht Squadron, a décerné un prix d'élégance au Phoenix , qui avait conduit Cornfield et ses invités américains à Londres pour l'Exposition universelle. C'est un navire rapide et sûr, un petit palais flottant. On dit – mais on dit tant de choses – que la reine Victoria en serait jalouse !
     
    – Une reine d'Angleterre jalouse d'un bateau américain ? Grand Dieu ! s'exclama Charles.
     
    – Eh ! son yacht à vapeur, Victoria and Albert , construit en 1843, ne vaut pas un bon clipper de Balti, et puis, l'aménagement y serait tout juste confortable. Je me suis laissé dire qu'elle devrait commander un Victoria and Albert II , plus rapide et plus luxueux, dit le marin.
     
    – Je suis heureux d'apprendre d'un capitaine expérimenté que le Phoenix est un bon bateau, dit Desteyrac, rassuré.
     
    – En tout cas, vous serez à l'aise à son bord et ferez une bonne traversée, peut-être en moins de vingt-cinq jours. Le capitaine du Phoenix , Lewis Colson, passe pour taciturne, buveur d'eau et fichu caractère, mais c'est un excellent marin, manœuvrier habile. Or, dans les eaux des Bermudes et la mer des Sargasses, on rencontre souvent gros temps, en cette saison.
     
    Comme tous les navigateurs ayant beaucoup bourlingué, le capitaine raconta quelques fortunes de mer et Charles l'écouta avec intérêt, imaginant les aventures qui ne manqueraient pas de survenir au cours du voyage. Quand les deux hommes se séparèrent pour aller dormir, ils étaient devenus amis.
     
    – J'ai omis de me présenter, constata le marin au moment de prendre congé. Mon nom est James Cowett, capitaine au long cours. Mes amis m'appellent Jim.
     
    – Charles Desteyrac, ingénieur des Ponts et Chaussées. Je suis heureux de vous avoir rencontré. Votre conversation fut une bonne entrée en matière pour la traversée et la carrière qui m'attendent, dit le Français.
     
    – Si ce n'est pas curiosité intempestive, j'aimerais avoir de vos nouvelles, monsieur. Je vais, le mois prochain, prendre le commandement d'un vapeur de la Cunard, sur la ligne Liverpool-Halifax-Boston – eh oui, il faut bien se mettre au progrès ! Si Dieu le veut, nous aurons peut-être l'occasion de nous revoir, un jour, en Amérique, car vous n'allez pas passer tout votre temps sur ces îles, où, vos travaux terminés, vous risquez de vous ennuyer ferme sous les cocotiers. Les Bahamas ne sont qu'à trois jours de mer de Boston, belle ville qui vaut d'être visitée. Écrivez-moi là-bas, à l'hôtel Brunswick, où je mets toujours mon sac à terre. Je vous répondrai.
     
    Charles promit et serra chaleureusement la main que lui tendait le marin.
     
    Dans sa chambre, Desteyrac boucla ses bagages avec sa minutie habituelle afin que tout fût prêt quand les marins du Phoenix viendraient en prendre livraison. Grâce à une avance en livres sterling du major Carver, il avait pu compléter, à Londres, chez le premier fournisseur des architectes, son équipement professionnel : planche à dessin, té, règle à calcul, rapporteur d'angles, compas, crayons, tire-lignes, encre de Chine, nouvelle table des logarithmes. À faire l'inventaire de ces instruments, il ressentit une sorte d'impatience à les utiliser.
     
    1 Paroles françaises de Jacques Plante : «  Ce n'est qu'une île au grand soleil / Un îlot parmi tant d'autres pareil / Où mes parents ont vu le jour / Où mes enfants naîtront à leur tour / Ô mon île au soleil / Paradis entre ciel et terre / Où le flot, tout le long des jours / Chante au sable fin sa chanson d'amour.  » © Clara Music-Cherry Lane Music.
     

2.
     
    Après une paisible nuit dans un lit qu'il trouva trop moelleux, Charles prit un

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