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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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présomptueux.
    — Je n’oblige personne à m’accompagner !
    Je connaissais suffisamment Henri pour savoir qu’il ferait ce qu’il avait décidé.
     
    Deux jours plus tard, après que la tempête eut dispersé les trois vaisseaux sur lesquels nous nous étions embarqués, malmené chacun d’entre nous dans des creux démentiels et noyé nos regards désespérés dans un brouillard si épais qu’on ne voyait le bout de son nez, nous atteignions les rivages de l’Angleterre, sans bien savoir quel était le port qui nous accueillait.
    Londres nous attendait.

2
     
     
    A liénor n’en finissait plus de s’apprêter. Depuis trois bonnes heures, plantée devant le miroir en pied de la chambre qu’elle s’était choisie en la résidence de Bermondsey, située sur la rive droite de la Tamise et face à la ville de Londres, elle essayait tel bliaud, le repoussait pour tel autre, reprenait le premier, en changeait la chape, la fourrure, le chainse, jaugeait des couleurs, des coupes, épuisait de verbiage sa chambrière, lui faisant repasser au fer tel pli, le dénigrant la minute d’après et se tournant vers moi pour chercher un conseil qu’elle ne suivait pas.
    — Non, non, non, non, ce drapé n’est point seyant. Il bâille par-devant, chiffonne par l’arrière. Tourne ton miroir, qu’il répercute l’image dans le mien. Tourne, te dis-je…
    Brunehilde s’exécuta.
    Une moue circonspecte, une main qui tapote, lisse, une hanche qui se décale.
    — Je vous assure, Majesté…, tenta la petiote au bord des larmes, comprenant que rien ne la contenterait.
    Aliénor ne savait pas ce qu’elle voulait. Elle détacha furieusement la ceinture aux cabochons de rubis qu’elle avait passé un quart d’heure à ajuster.
    — Aucun goût ! tu n’as aucun goût, ma pauvre fille !… Là, n’est-ce pas qu’elle n’a aucun goût ? éructa-t-elle en se tournant vers moi, indifférente aux sanglots de sa nouvelle dame d’atour.
    Il fallait intervenir. L’heure du couronnement approchait et, sur cette lancée, Aliénor n’y paraîtrait jamais.
    — Laisse-nous. Tu ne pourras davantage, congédiai-je Brunehilde qui me renvoya un regard de reconnaissance avant de courir jusqu’à la porte.
    — Je te trouve bien complaisante, grogna Aliénor en fouillant dans une malle à la recherche d’une autre bande de cuir à ceinturer.
    — Et toi, injuste, méchante et…
    Elle s’était redressée, piquée au vif, les yeux exorbités de surprise. Je souris.
    — … et délicieusement belle. Quoi que tu portes tu seras éclatante. Ne l’as-tu pas remarqué alors que nous approchions de Londres ? L’allégresse tenait chaque chemin, chaque carrefour, chaque ruelle. Ils se moquent bien de ta mise, de tes bijoux, de ta coiffe. C’est toi qu’ils vont regarder, Aliénor. Toi, comme la promesse d’une ère nouvelle de paix et de prospérité pour leur royaume, la fin d’injustices flagrantes et de misères. Celle qui déjà offre à cette terre une lignée digne du Conquérant, digne d’Arthur de Bretagne. Digne enfin de ceux qui l’ont rêvée.
    Je vins poser mes mains sur ses épaules relevées par une tension à peine perceptible. Derrière ses caprices de jouvencelle, je le savais, perçait une nouvelle angoisse, profonde, celle qu’Aliénor avait toujours connue face aux grands moments de sa vie, aux confrontations les plus primordiales. Mélange d’excitation et de manque de confiance, d’orgueil et de faiblesse.
    — Grâce, ma reine. Ferme les yeux et laisse-moi faire. T’ai-je jamais déçue ?
    Elle s’apaisa, secoua la tête. J’effleurai d’un baiser léger l’ourlet de sa bouche. Lorsque je m’écartai, elle avait retrouvé son sourire.
    — Du temps de Louis, c’était toujours ainsi que tu me ramenais à la raison…
    — Du temps de Louis, tes doutes étaient justifiés. Ce jourd’hui, ils ne le sont plus.
    — Mais tu m’aimes toujours, n’est-ce pas ?
    Je refermai mes bras sur les siens, que les premiers mois de sa nouvelle grossesse avaient épaissis, inspirai avec bonheur le parfum d’oranger de sa chevelure frottée d’écorces.
    — N’ai-je pas quitté Blaye pour te retrouver ?
    Elle me pressa contre elle, rassérénée.
    — C’est un si grand jour pour toi, pour moi, pour nous tous…
    — Alors, donnons-lui ta lumière, ma reine.
     
    Nous étions le 19 décembre 1154.
    Quelques heures plus tard, fardée, coiffée et parée avec une simplicité

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