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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Pagel
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couche, même pouilleuse, vaudrait mieux que l'humus ou une branche d'arbre : il y serait à l'abri du froid et des bêtes sauvages. En outre, plus il regardait sa compagne, plus il en trouvait avenants les traits fins, la bouche charnue et les yeux dont l'obscurité ne pouvait masquer la clarté. Peut-être serait-elle aussi peu farouche que certaine servante du palais qui l'avait initié aux joies du corps quelques semaines plus tôt, au soir même de son élection. À cette pensée, il eut un sourire, malgré ses lèvres trémulantes : depuis qu'il avait découvert l'amour des femmes, il soupçonnait que ce serait là une des grandes passions de sa vie, dût-il s'en repentir au seuil du Paradis.
    — Je te suis, dit-il. Si tu me sers fidèlement, tu en seras récompensée.
    — Vous servir n'est-il pas le plus cher désir de tous vos sujets, sire ? répondit-elle sur un ton dans lequel il crut déceler une promesse conforme à ses vœux.
    Sans attendre, elle se mit en route le long de la rivière, vers l'amont, et Philippe lui emboîta le pas. L'idée qu'il pût s'agir d'un piège l'effleura à peine : aucun vilain, il en était convaincu, n'eût osé s'en prendre à l'héritier du trône ; quant aux grands feudataires, ils n'avaient pas intérêt à ce que ce dernier restât vacant, car leurs rivalités les empêcheraient d'y hisser l'un d'entre eux.
    Oh, certes, il y avait les démons. Ceux qu'il avait entendus rire ou gémir, celui qui avait adopté la forme d'un sanglier. Mais par tous les saints ! il avait senti le corps de cette femme contre le sien et elle était faite de chair et d'os. C'était une créature de Dieu, non du Diable.
    La cabane ne se trouvait qu'à trois cents pas de là, derrière le premier méandre de la rivière. Philippe fut soulagé de la découvrir si proche : quoique marcher l'eût réchauffé, de petits frissons le parcouraient à intervalles réguliers et il avait déjà éternué plusieurs fois ; son bain froid après la chaleur de la journée ne l'avait pas laissé indemne ; il lui tardait de se dévêtir et de se glisser sous une couverture.
    Si sa compagne ne la lui eût désignée, au bord de l'eau, il fût passé près de la cahute sans la voir tant elle se confondait avec la végétation environnante. La forêt, en cet endroit, s'avançait presque jusqu'à la berge : l'œil inattentif pouvait prendre les rondins formant les murs pour un bouquet d'arbres particulièrement épais, d'autant que, par la grâce d'une branche courbe, le feuillage d'un grand hêtre venait les couronner et masquait entièrement le toit. Si portes ou fenêtres il y avait, elles étaient en outre invisibles.
    — Quelle sorte de demeure est-ce là ? s'étonna le garçon. Faut-il donc creuser la terre comme une taupe pour y entrer ?
    — Rien de tel, sire, rassurez-vous.
    S'approchant de la paroi dressée face au sous-bois, la femme y frappa un coup sec, à mi-hauteur, sans doute en un point bien précis qui abritait un mécanisme. Philippe remarqua que toute une portion du mur se composait non pas de rondins mais de fines branches flexibles qui s'abaissèrent alors vers l'extérieur à la manière d'un pont-levis. De jour, il eût à coup sûr remarqué que, plantées en terre, elles se contentaient de ployer ; que nulle corde susceptible de les faire remonter ne les retenait ; que leur extrémité supérieure était garnie de petites feuilles ; qu'elles étaient, en fait, vivantes.
    À peine eurent-elles dévoilé une ouverture derrière laquelle brillait une faible lueur, que la maîtresse des lieux franchissait le seuil sans souci de préséance et se retournait pour inviter son compagnon à l'imiter.
    — Tu vis seule, ici ? interrogea-t-il, soudain inquiet de la présence importune d'un père, d'un frère ou d'un mari.
    — Tel est mon triste lot, confirma-t-elle, bien qu'elle n'eût pas l'air triste. Venez, sire. Venez vous réchauffer.
    À son tour, il pénétra dans une pièce au sol de terre battue, longue de deux toises, large d'autant, qu'éclairait pauvrement une lampe – un simple godet d'eau nappée d'huile, à la surface de laquelle flottait une petite mèche – posée sur un escabeau triangulaire, dans un angle. Au centre, un grand bahut dénué d'ornements devait servir de table car un banc assez bas le jouxtait. Deux chandelles éteintes, fixées à des soucoupes en métal par leur propre cire fondue, reposaient sur ce meuble. Au fond, des marches de bois

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