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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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soient, ces
médecins-là sont de mes amis. La malédiction de maître Jacques commence à
s’accomplir. Un de crevé déjà ! La main de Dieu frappe vite, quand la main
des hommes y aide.
    — Et aussi celle du Diable,
dit-elle en souriant.
    Il avait relevé sa jupe sans qu’elle
eût le moins du monde protesté. Les doigts gantés de cire de l’ancien Templier
caressaient une belle cuisse ferme, lisse et chaude.
    — Veux-tu l’aider à frapper
encore ? reprit-elle.
    — Qui ?
    — Ton pire ennemi… à qui tu
dois ton pied brisé…
    — Nogaret…, murmura Evrard.
    Il recula un peu, et son tic par
trois fois lui tordit le visage.
    Ce fut elle qui se rapprocha.
    — Tu peux te venger… si tu le
désires… N’est-ce point ici qu’il se fournit en lumière ? Vous lui vendez
ses chandelles ?
    — Oui, dit-il.
    — Comment sont-elles
faites ?
    — Des chandelles très longues,
en cire blanche, avec des mèches traitées à part qui donnent peu de fumée. Pour
son hôtel il use de grands cierges jaunes qu’il ne prend pas chez nous. Ces
chandelles-là, qu’on appelle des chandelles à légiste, il les emploie seulement
lorsqu’il est à écrire dans son cabinet, et il en brûle deux douzaines la
semaine.
    — En es-tu sûr ?
    — Son concierge les vient
quérir par grosses. Il désigna un casier.
    — Sa prochaine provision est
déjà apprêtée, et celle de Marigny à côté, et celle de Maillard, le secrétaire
du roi. C’est avec cela qu’ils éclairent tous les crimes que fabriquent leurs
cervelles. Je voudrais pouvoir cracher dessus le venin du Diable.
    Béatrice continuait de sourire.
    — Je peux te donner aussi bien…
dit-elle. Moi, je sais le moyen d’empoisonner une chandelle…
    — Est-ce possible ? demanda
Evrard.
    — Si on en respire la flamme
une heure, on n’en regarde plus jamais d’autre… sinon celle de l’Enfer. C’est
un moyen qui ne laisse point de trace et n’a pas de remède.
    — Comment le connais-tu ?
    — Ah… Voilà… fit Béatrice en
ondulant des épaules et en baissant les paupières. Une poudre qu’il suffit de
mêler à la cire…
    — Et pourquoi désires-tu
frapper Nogaret ? demanda Evrard.
    Toujours se dandinant comme par
coquetterie, elle répondit :
    — Peut-être parce que d’autres
gens que toi veulent aussi s’en venger. Tu ne risques rien…
    Evrard réfléchit un instant. Son
regard se faisait plus aigu, plus luisant.
    — Alors, il ne faudrait pas
tarder, dit-il en précipitant ses mots. Il se pourrait que j’aie à partir
bientôt. Ne le répète point, surtout ; mais le neveu du grand-maître,
messire Jean de Longwy, a commencé de nous compter. Il a juré, lui aussi, de
venger messire de Molay. Nous ne sommes point tous morts, malgré le maudit qui
nous occupe. J’ai reçu l’autre jour un de mes anciens frères, Jean du Pré, qui
me portait un message, m’informant de me tenir prêt à m’en aller vers Langres.
Ce serait belle chose que d’amener en présent à messire de Longwy l’âme de
Nogaret… Quand pourrai-je avoir cette poudre ?
    — Je l’ai là… dit calmement
Béatrice en ouvrant son aumônière.
    Elle tendit à Evrard un sachet,
qu’il ouvrit avec prudence, et qui contenait deux matières mal mêlées, l’une
grise, l’autre cristalline et blanchâtre.
    — C’est de la cendre, dit
Evrard en montrant la poudre grise.
    — Oui… la cendre de la langue
d’un homme que Nogaret a fait périr… Je l’ai mise à dessécher dans un four, à
la minuit… C’est pour appeler le Diable…
    Puis elle désigna la poudre
blanche :
    — Et là, c’est du serpent de
Pharaon [20] …
Cela ne tue qu’en brûlant.
    — Et tu dis qu’en mettant les
deux dans une chandelle ?…
    Béatrice abaissa le front avec
assurance. Evrard fut un moment hésitant ; son regard allait du sachet à
Béatrice.
    — Mais il faut que ce soit fait
devant moi, ajouta-t-elle.
    L’ancien Templier alla chercher un
réchaud dont il attisa les chardons. Puis il tira une chandelle de la provision
préparée pour le garde des Sceaux, la plaça dans un moule et la mit à mollir.
Ensuite il la fendit avec une lame et versa le long de la mèche le contenu du
sachet.
    Béatrice tournait autour de lui, en
marmonnant des paroles de conjuration où revint trois fois le prénom de
Guillaume. Le moule fut remis au feu, puis refroidi dans un bac rempli d’eau.
    La chandelle ressoudée ne gardait
aucune trace de

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