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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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chantaient
maintenant leurs prières dans une chambre à côté de la salle aspergée d’eau
bénite ; un crucifix trônait au-dessus du lit de la parturiente, un autre
avait été placé sous le corps de Norwenna.
    « Nous
prions la bienheureuse Vierge Marie, expliqua Bedwin, qui sans souiller son
corps sacré de quelque connaissance charnelle est devenue la sainte mère du
Christ, et...
    — Suffit »,
grogna Uther.
    Le Grand Roi
n’était pas chrétien et supportait mal qu’on voulût le convertir, bien qu’il
admît que le Dieu des chrétiens avait probablement autant de pouvoir que la
plupart des autres Dieux. Les événements de cette nuit-là mettaient sa
tolérance à rude épreuve.
    Voilà pourquoi
j’étais là. Enfant au seuil de l’âge d’homme, page imberbe, transi et blotti
près du siège du roi sur les remparts de Caer Cadarn. J’étais venu d’Ynys
Wydryn, le repaire de Merlin, que l’on apercevait à l’horizon, au nord. Ma
tâche, si j’en recevais l’ordre, était d’aller chercher Morgane et ses acolytes
qui attendaient dans un bouge de porcher au pied de la pente ouest de Caer Cadarn.
Peut-être la princesse Norwenna ne voulait-elle d’autre sage-femme que la mère
du Christ, mais Uther était prêt à convoquer les anciens Dieux si ce petit
dernier échouait.
    Et le Dieu des
chrétiens échoua. Les hurlements de Norwenna se faisaient plus espacés, et ses
geignements plus désespérés quand, enfin, l’épouse de Mgr Bedwin quitta le
château pour venir s’agenouiller, grelottante, près du siège royal. Le bébé,
confia Ellin, ne voulait pas venir, et la mère, craignait-elle, se mourait.
D’un geste de la main, Uther signifia son agacement : la mère n’était
rien, seul importait l’enfant, et encore uniquement si c’était un garçon.
    « Sire... »,
commença Ellin d’une voix tremblante, mais Uther ne l’écoutait plus.
    Il me tapota
la tête. « Va, mon garçon », dit-il, et, m’arrachant à son ombre, je
bondis à l’intérieur du château et traversai la blancheur ombragée par la lune
qui séparait les bâtiments. Les gardes de la porte ouest me regardèrent
détaler, puis je glissais et tombais sur la chute de glace de la route ouest.
Je dérapai à travers la neige, déchirai mon manteau sur un chicot et
m’effondrai pesamment sur quelque massif de ronces recouvert de glace, mais je
ne sentis rien, hormis le poids énorme du destin d’un royaume qui pesait sur
mes jeunes épaules. « Dame Morgane ! criai-je en approchant de sa
masure. Dame Morgane ! »
    Elle devait
attendre, car la porte fut aussitôt grande ouverte et son visage au masque d’or
brilla au clair de lune. « Va ! Va ! » me lança-t-elle
d’une voix aiguë. Je fis demi-tour et me remis à gravir la colline entouré de
la mêlée des orphelins de Merlin qui avançaient à croupetons dans la neige. Ils
portaient des ustensiles de cuisine qui se heurtaient dans leur course ;
mais, la pente se faisant trop escarpée et le péril devenant trop grand, il
leur fallut les lancer devant eux puis jouer des pieds et des mains pour
continuer leur escalade. Morgane suivait plus lentement, escortée par Sebile,
son esclave, chargée des charmes et des herbes nécessaires.
    « Allume
le feu, Derfel ! cria Morgane à mon intention.
    — Le
feu ! hurlai-je à bout de souffle en crapahutant à travers la porte. Le
feu ! Le feu sur les remparts ! »
    Voyant Morgane
arriver, Mgr Bedwin protesta, mais le Grand Roi s’emporta contre son conseiller
et l’évêque s’inclina humblement devant la confession plus ancienne. Ses
prêtres et ses moines reçurent l’ordre de sortir de leur chapelle de fortune
pour porter les torches tout le long des remparts et d’alimenter leurs bûchers
de bois et de claies arrachées aux cabanes adossées aux murs nord du château
fort. Les feux crépitèrent puis s’embrasèrent dans la nuit, leur fumée restant
suspendue dans les airs tel un immense dais destiné à dérouter les mauvais
esprits et à les éloigner de l’endroit où se mouraient une princesse et son
enfant. Quant à nous, les petits, nous faisions le tour des remparts au pas de
course en martelant nos casseroles pour achever d’étourdir les esprits malins.
« Criez ! » ordonnai-je aux gamins d’Ynys Wydryn, et d’autres
gosses sortirent des bouges de la forteresse pour grossir notre tintamarre. Les
gardes frappaient de la hampe de leur lance contre leurs boucliers et

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