Le Roman d'Alexandre le Grand
se
précipita vers lui.
« Comment as-tu réussi à nous
retrouver ? lui demanda-t-il.
— Ton Bucéphale laisse des
empreintes de taureau sauvage. Cela n’a pas été difficile.
— Que me racontes-tu de
neuf ?
— Pas grand-chose. Je t’ai
rapidement emboîté le pas. Mais je crois que le roi était tellement soûl qu’il
ne tenait plus sur ses jambes. Je pense qu’on l’a lavé et couché.
— Crois-tu qu’il nous fera
suivre ?
— Pourquoi ?
— Il voulait me tuer.
— Il avait bu, c’est tout. J’ai
l’impression de l’entendre déjà. Dès qu’il se réveillera, il dira :
« Où est Alexandre ? »
— Je ne sais pas. Nous avons échangé
des mots qu’il est difficile d’oublier. Et même si mon père s’y employait, il y
aurait toujours quelqu’un pour les lui rappeler.
— C’est possible.
— As-tu dit à Eumène de
s’occuper du chien ?
— C’est la première chose que
j’ai faite.
— Pauvre Péritas. Sans moi il
sera malheureux : il pensera que je l’ai abandonné.
— Il ne sera pas le seul à être
malheureux, Alexandre. Moi non plus, je n’aurais pas supporté ton absence.
C’est pourquoi j’ai voulu te suivre. »
Ils éperonnèrent leurs chevaux pour
rejoindre Olympias qui chevauchait toute seule.
« Mes saluts à ma reine !
dit Héphestion.
— Salut, mon garçon »,
répondit Olympias. Et ils poursuivirent leur route ensemble.
« Où est
Alexandre ? »
Philippe venait tout juste de
quitter son bain. Les femmes lui massaient les épaules et le dos avec un drap
de lin.
L’aide de camp s’approcha :
« Il n’est pas là, sire.
— Je le vois bien. Fais-le
appeler.
— Je veux dire qu’il est parti.
— Parti ? Et où ?
— Nous l’ignorons, sire.
— Ah ! cria Philippe en
jetant le drap et, entièrement nu, il commença à arpenter sa chambre. Je veux
qu’il vienne immédiatement me présenter ses excuses ! Il m’a couvert de
ridicule devant mes invités et mon épouse. Trouvez-le et ramenez-le-moi
sur-le-champ ! Je le giflerai jusqu’au sang, je le bourrerai de coups de
pied, je le… » L’aide de camp était muet et raide comme un piquet.
« Tu m’écoutes, par Zeus ?
— Je t’écoute, sire, mais
Alexandre est parti aussitôt après avoir quitté la salle du banquet et tu étais
trop… trop indisposé pour prendre des mesures le concernant, et…
— Es-tu en train de me dire que
j’étais trop soûl pour donner des ordres ? hurla Philippe à son nez en
fondant sur lui.
— Le fait est, sire, que tu
n’en as pas donné, et…
— Appelez la reine !
Immédiatement !
— Laquelle, sire ? demanda
l’aide de camp, de plus en plus embarrassé.
— Laquelle ! Malheur à
toi ! Que veux-tu que je fasse de cette gamine ! Appelle la reine,
immédiatement !
— La reine Olympias est partie
avec Alexandre, sire. »
Le rugissement du souverain résonna
jusqu’au corps de garde, au fond de la cour. Un peu plus tard, on vit l’aide de
camp dévaler l’escalier et distribuer des ordres à tous les hommes qu’il
croisait. Ceux-ci bondissaient sur leurs chevaux et galopaient dans toutes les
directions.
Ce jour-là, les délégations
étrangères quittèrent, elles aussi, la cour. Philippe dut les recevoir pour les
saluer et les remercier des somptueux cadeaux de mariage qu’elles lui avaient
apportés. Cette tâche occupa toute sa journée.
Quand le soir vint, il se sentit las
et dégoûté, aussi bien par cette semaine de fêtes et de banquets que par la
solitude qui envahissait son cœur pour la première fois.
Il envoya Eurydice se coucher, monta
sur le toit et fit les cent pas sur la grande terrasse éclairée par la lune.
Soudain, il entendit un aboiement insistant résonner dans l’aile occidentale du
palais, puis un hurlement interminable se transformer en un gémissement
plaintif.
Péritas aussi s’était aperçu de
l’absence d’Alexandre et il hurlait à la lune tout son désespoir.
30
En une semaine, les trois fuyards atteignirent les frontières de
l’Épire et se firent annoncer au roi Alexandre.
Le jeune souverain était déjà au
courant de ce qui s’était passé car ses informateurs utilisaient un système
rapide pour communiquer avec lui, et ils n’étaient pas obligés de suivre de
longs détours pour se cacher.
Il alla les accueillir en personne,
embrassa longuement et affectueusement sa sœur aînée et son neveu, ainsi
qu’Héphestion,
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