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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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seulement ordonné –, s’enfuit comme un chacal qui vient de lacérer sa proie et qui craint les chiens.
    Philippe Auguste l’avait chassé de Bretagne, d’Anjou, du Maine, de Touraine et de Poitou. Il se réfugia donc en Angleterre, en décembre 1203.
    Le crime s’était retourné contre lui : il ne gardait plus de fidèles qu’en Aquitaine et en Normandie.
    Là, protégeant Rouen, se dressait Château-Gaillard. »
    22.
    Celui qui veut savoir ce que furent le siège et la conquête de Château-Gaillard par Philippe Auguste, qu’il lise le récit qu’en a fait Henri de Thorenc !

    Mon aïeul était un chevalier de vingt-trois ans.
    Il a occupé auprès du roi de France la place que son père, Eudes, a tenue durant plus de trente ans. Mais, en septembre 1203, dans la première semaine du siège de Château-Gaillard, un arbalétrier anglais a blessé Eudes d’un trait qui lui a percé la cuisse droite de part en part, près de l’aine. Le sang a coulé comme d’une outre crevée, la fièvre est venue, les chairs ont pourri, et, la deuxième nuit, Eudes de Thorenc a trépassé.
    Il avait prononcé quelques mots rapportés par Henri :
    « Je meurs tué par une arme qui n’est pas celle des chevaliers.
    – Tu meurs comme Richard Plantagenêt, roi d’Angleterre », lui murmura Philippe Auguste.
    Eudes a fermé les yeux et continué de se vider de son sang. On a enveloppé son corps dans sa cape blanche à croix rouge des Templiers, et on l’a enseveli dans le choeur de la petite église du village des Andelys dont les habitants avaient fui et s’étaient réfugiés derrière les fossés et les trois enceintes du Château-Gaillard.

    Le siège dura huit mois.
    Pour approcher du château, il fallut d’abord conquérir les redoutes qui le protégeaient, dresser des tours pour se défendre des sorties des assiégés.
    On crut que ces « Anglais » – des chevaliers aguerris commandés par Roger de Lascy – se rendraient lorsque la faim les étranglerait.
    Mais ils résistèrent, chassant les vieillards, les femmes et les enfants, tous ceux qui n’étaient pas utiles à la défense du château.
    Nous les accablâmes de flèches, et, comme un troupeau affolé, ils essayèrent de rentrer dans le château, mais ses portes restèrent closes.
    Et l’on vit cette troupe de gueux errer entre notre camp et les murs de Château-Gaillard.
    Il arriva qu’une femme mît au monde un enfant. Encore souillé du sang de sa mère, il fut déchiré par les ongles des hommes et, à peine sorti du sein qui le portait, rentra en un tournemain dans le ventre de ces affamés. Une poule qui voletait et tomba au milieu d’eux fut aussitôt saisie et avalée tout rond avec ses plumes, ses os et un oeuf tout chaud qu’elle portait en son corps. Tout ce qui peut céder sous la dent fut englouti dans les estomacs. Ils en vinrent à se nourrir de la chair des chiens.
    Nous implorâmes le roi de les laisser franchir nos défenses. Plusieurs jours durant, il parut ne pas entendre nos suppliques, puis, d’un simple hochement de tête, il consentit à accueillir ces ombres chancelantes.

    Dieu fut-Il sensible à ce geste du roi de France ?
    Nous fîmes sauter la tour de la première enceinte, puis l’un des sergents découvrit qu’en passant par les latrines, on pou
vait atteindre la seconde enceinte. Elle fut conquise et nous pûmes ouvrir une brèche dans la troisième en usant de la mine et des machines de jet.
    C’était le 6 avril 1204. Le siège avait commencé huit mois auparavant, en septembre 1203.
    Ni Roger de Lascy ni aucun des chevaliers « anglais » n’eut le temps de se réfugier dans le donjon.
    Tous furent tués.
    Leur fin annonça celle de l’enclave française du royaume de Jean sans Terre.

    Philippe Auguste ne laissa aucun répit au roi d’Angleterre. La victoire appelle la victoire, la puissance fait se multiplier les alliés.
    Les nobles bretons, avec à leur tête Guy de Thouars, se lancèrent à l’assaut d’Avranches et incendièrent le Mont-Saint-Michel.
    Philippe Auguste marcha sur Rouen et les routiers anglais se rallièrent à lui, abandonnant leur maître : la solde versée par Philippe Auguste était plus élevée que celle promise par le roi d’Angleterre, et les caisses du Trésor capétien mieux remplies que celles du Plantagenêt.
    Philippe avait confié le gouvernement de son Trésor royal au frère Aimard, commandeur du Temple pour le royaume de France.

    Henri de Thorenc,

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