Le Roman des Rois
Pierre, qui venait d’apprendre l’assassinat de son légat, Castelnau, accueillit cette missive.
Henri de Thorenc séjourne quelques semaines à Rome auprès du pape. Presque chaque jour il envoie un courrier à Philippe Auguste. Il recueille ses informations dans l’entourage du pape.
On y évoque les derniers instants du légat, après avoir rappelé qu’il eut la gorge percée, le 12 janvier 1208, par la lance
d’un écuyer, sergent du comte de Toulouse, qui l’avait suivi dans cette hôtellerie des bords du Rhône.
« Avant de mourir, écrit Henri de Thorenc, Pierre de Castelnau, levant les yeux au ciel, pria Dieu, en présence de tout le peuple, de pardonner ses péchés à ce sergent félon. Ayant reçu la communion, vers le chant du coq, il mourut peu après, à l’aube naissante. L’âme s’en est allée au Père tout-puissant. À Saint-Gilles, on l’enterre avec force cierges allumés, avec force Kyrie eleison chantés par les clercs. »
Le pape, sa paume soutenant sa mâchoire, se tint longtemps recueilli après qu’on lui eut raconté les conditions de la mort de son légat.
Innocent III fit une oraison, éteignit le cierge, et, entouré de ses douze cardinaux, de l’abbé de Cîteaux, Arnaud Amalric, dit que cet acte sacrilège, le meurtre d’un représentant direct du pape, devrait être châtié.
À cet instant fut prise la résolution de lancer une croisade des suites de laquelle tant d’hommes ont été éventrés, maintes dames dépouillées de leur mante et de leur jupe.
C’est Henri de Thorenc qui, de Rome, transmet à Philippe Auguste la lettre dans laquelle Innocent III accuse Raimond de Toulouse « d’être coupable de la mort de Pierre de Castelnau, ce saint homme. Il a menacé publiquement de le faire mourir ; il lui a dressé des embûches ; il a admis le meurtrier dans son intimité, lui a fait de grands présents. Pour cette raison, nous déclarons le comte de Toulouse excommunié, et, comme les saints canons ne veulent pas qu’on garde la foi à celui qui ne garde pas à Dieu, après l’avoir séparé de la communion des fidèles nous délivrons de leur serment, par l’autorité apostolique, tous ceux qui lui ont promis fidélité de féal, société ou alliance.
« Tous les catholiques, sauf le droit du seigneur principal, ont la permission non seulement de poursuivre sa personne, mais encore d’occuper et de garder ses domaines. »
Le comte de Toulouse est bien devenu une proie dont chacun peut se saisir, qu’on peut dépouiller, abandonner et trahir.
Le pape le livre, lui et ses biens, à la convoitise et à l’avidité de chacun.
« Le roi de France, écrit Henri de Thorenc, me fit savoir qu’il ne participerait pas à la curée qui se préparait, mais qu’il voulait rappeler qu’il était le suzerain de Raimond de Toulouse. Celui-ci avait beau être un “mauvais vassal”, ce n’était pas un hérétique, même s’il ne chassait pas de ses fiefs les Parfaits, les Bons Hommes et leurs fidèles. »
« Vous ne nous avez pas encore fait savoir, répond Philippe Auguste au pape, que vous teniez le comte pour convaincu d’hérésie. Condamnez-le comme un hérétique, et alors seulement vous aurez le droit de publier la sentence et de m’inviter, moi, suzerain du comte, à confisquer légalement les domaines de son feudataire. »
Le roi de France était décidément un homme prudent et aguerri.
À l’âge de quarante-quatre ans, en cette année 1209, il avait combattu le glaive à la main, signé maints traités, égaré ses ennemis dans les méandres de ses intrigues. Et accru le domaine royal jusqu’à faire de lui le roi le plus puissant de la Chrétienté.
Il voulait cette proie qu’étaient les fiefs du Sud, mais qu’à cette fin, d’autres, ces croisés qu’Innocent III appelait à se rassembler à Lyon, lui servissent de rabatteurs.
Henri de Thorenc laisse entendre que le roi de France le chargea d’une ambassade auprès de Raimond VI de Toulouse.
Mon aïeul n’en dit pas plus long, mais il était présent à Saint-Gilles quand le comte accepta les dures conditions que le légat du pape, Arnaud Amalric, lui imposait.
Il s’engagea même, par serment, à expulser les hérétiques de ses possessions et à prendre part à la croisade conduite contre ses propres sujets.
Il alla jusqu’à remettre sept de ses châteaux entre les mains des représentants de l’Église romaine.
« Le 18 juin 1209, écrit
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