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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dore le soleil du Sud.
    J’avais chevauché autrefois en Languedoc. Notre fief de Villeneuve de Thorenc s’étendait en Provence. Je connaissais Béziers, Carcassonne, Arles, Valence et Toulouse où régnait en souverain le comte Raimond VI.
    Au temps de Richard Coeur de Lion, les chevaliers des Plantagenêts avaient parcouru ces terres ensoleillées, incendié leurs villages aux maisons ocre, rêvé de s’emparer de Toulouse, la Ville rose, dont la seule évocation éveillait le désir de ces chevaliers du Nord.
    Mais ces terres, de Foix à Béziers, de Toulouse à Carcassonne, avaient échappé aux Plantagenêts, de même qu’au roi de France. Souvent, ajoute Henri de Thorenc, Philippe m’interrogeait sur ces seigneuries, ces châteaux qui formaient une sorte de royaume au flanc du domaine royal de France.
    Mais la proie, belle et grasse, parfumée, était aussi difficile à saisir qu’à dompter.
    C’était la terre des Parfaits, des Bons Hommes, poursuit Henri de Thorenc. Ils sont les représentants du Bien, et, autant nous aimons les choses terrestres, la chair et le vin, la jouissance et l’ivresse, autant, pour les Purs, nous sommes le Mal, la Corruption. Et les clercs, les évêques, la Sainte Église catho
lique, son souverain pontife, ne trouvent pas davantage grâce à leurs yeux.
    Le peuple vénère ces Parfaits, ces Bons Hommes, ces Purs qui vivent d’une poignée de grain, d’un peu d’eau, d’une galette. Ils ne renient jamais leur foi et chantent jusque dans les flammes des bûchers.
    On les nomme cathares, Albigeois. Les seigneurs et le comte de Toulouse les protègent.

    J’ai lu au roi – raconte Henri de Thorenc – une lettre de Raimond V adressée il y a plusieurs années à l’abbé de l’ordre de Cîteaux.
    Le comte Raimond y décrivait l’amour qui entourait les Parfaits, les Bons Hommes, les Purs. Les croyants s’agenouillaient devant eux qui posaient les deux mains sur la tête du fidèle, qui, recevant cette bénédiction et un « baiser de paix », se retrouvait baptisé, « consolé » par ce consolamentum .
    « Les âmes sont liées, ai-je dit au roi. Et le feu des bûchers ne peut consumer ce lien. La mort est tout aussi impuissante, elle ouvre au contraire la porte qui conduit à l’Amour parfait. »
    « Cette hérésie a pénétré partout, écrivait Raimond de Toulouse. Elle a jeté la discorde dans toutes les familles, divisant le mari et la femme, le fils et le père, la fille et la belle-mère. Les prêtres eux-mêmes ont cédé à la contagion. Les églises sont désertées et tombent en ruine. Pour moi, je fais tout le possible pour mettre fin à un pareil fléau ; mais je sens que mes forces restent au-dessous de cette tâche. Les personnages les plus considérables de ma terre se sont laissé corrompre. La foule a suivi leur exemple et abandonné la foi, ce qui fait que je n’ose ni ne puis réprimer le mal. »
    À Albi, à Carcassonne, le vicomte de Béziers, Roger Trencavel, protège les « Albigeois ». Il a fait jeter en prison l’évêque d’Albi. Et le comte de Foix vit entouré d’hérétiques.

    J’ai rapporté cela à mon suzerain, Philippe Auguste.
    Je lui ai lu les lettres d’Innocent III, les messages de l’abbé de Cîteaux, Arnaud Amalric, et de Pierre de Castelnau, légat du souverain pontife, de Philippe Folquet de Marseille, nommé évêque de Toulouse. Tous invitaient le roi de France à prendre la tête d’une croisade qui exterminerait l’hérésie.
    J’ai vu Philippe Auguste hésiter. Je connaissais son désir de s’emparer de ces terres du Sud, d’imposer à ses vassaux – aux seigneurs de Foix, d’Albi, de Carcassonne, de Béziers, mais d’abord au comte de Toulouse, Raimond – une suzeraineté royale ne se limitant pas seulement à un hommage de quelques phrases. Mais le roi était un homme sage et prudent.
    Il ne dévorerait qu’une proie à la fois.
    Je lui conseillai donc ce qu’il désirait entendre.
    C’est moi qui écrivit à Innocent III la lettre qu’il me chargea de remettre au souverain pontife :
    « Il m’est impossible, disait par ma plume le roi de France au pape, de lever et d’entretenir deux armées, l’une pour me défendre contre le roi d’Angleterre, l’autre pour marcher contre les Albigeois.
    « Que le Seigneur pape trouve de l’argent et les soldats, qu’il oblige surtout les Anglais à rester en paix, et l’on verra ! »
    J’ai déjà dit comment le successeur de

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