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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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remparts de Montlhéry et nous vîmes la foule des sujets du roi, en armes, venue de Paris.
    Nous nous mîmes en chemin. Et ils nous firent cortège tout au long de la route jusques à Paris.
    Tous criaient à Notre Seigneur qu’il donnât au roi bonne et longue vie, le défendît et le gardât contre ses ennemis.
    Je vis, de Montlhéry à Paris, le roi ému aux larmes et l’entendit remercier Dieu et ses sujets.
    « Même les serfs appartiennent à Jésus-Christ, comme nous, dit-il, et dans un royaume chrétien, nous ne devons pas oublier qu’ils sont nos frères. »
    44.
    « Louis désirait être le frère en Jésus-Christ du plus humble des hommes », a répété mon père comme s’il voulait que, de l’enfance et des années de la minorité du roi, je retienne d’abord son humilité, son esprit de charité, sa foi.
    Parfois je m’impatientais, souhaitant entendre le récit de la guerre conduite par Blanche de Castille contre les barons rebelles, ou bien comment la régente, accompagnée du jeune roi – il avait à peine quinze ans en 1229 –, chevauchait en tête de l’armée royale pour faire cesser les guerres privées opposant les barons entre eux, et d’abord Thibaud IV de Champagne, accusé par ses pairs de les trahir au profit de la reine régente.

    Mais mon père errait dans ses souvenirs.
    Il me rapportait comment le roi avait gourmandé Jean de Joinville qui lui avait avoué n’avoir aucun désir de laver les pieds des pauvres, le Jeudi saint.
    « C’est vraiment mal parlé, avait répondu Louis. Car vous ne devriez jamais dédaigner ce que Dieu a fait pour nous enseigner. Ainsi, je vous prie, pour l’amour de Dieu d’abord, et puis aussi pour l’amour de moi, de vous accoutumer à les laver. »
    « J’ai lavé les pieds des serfs, noircis de terre et crevés de plaies, comme faisait le roi », ajouta mon père.
    Son corps s’était tassé, il avait fermé les yeux pour se recueillir sur ses réminiscences, puis, se redressant, il reprit :
    « À une pauvresse qui l’accusait d’enrichir ses clercs au lieu de nourrir les affamés qui mordaient tant ils avaient faim dans l’écorce des arbres, j’ai entendu Louis répondre : “Certes, vous avez raison, je ne suis pas digne d’être roi. Et s’il avait plu à Notre Seigneur, il aurait mieux valu qu’un autre soit roi de France, qui sache mieux gouverner le royaume.” »

    « Louis fut le plus saint des rois, poursuivait mon père. Il était le frère des humbles, il oeuvra pour la gloire de l’Église, fut le souverain des cathédrales. Elles se dressent, avec leurs vitraux et leurs statues et leurs portails, à Paris pour Notre-Dame, à Chartres, à Reims, à Amiens.
    « À quatorze ans, j’ai accompagné “mon suzerain jumeau” à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, conquise sur l’Anglais en 1204 par le grand-père du roi, Philippe Auguste, incendiée pendant le siège et achevée d’être reconstruite en 1228. Cette dentelle de pierre a été brodée comme un acte de foi en Notre Seigneur Jésus-Christ. »

    Je laissais mon père s’ensevelir dans sa mémoire, puis, après un long silence, il me regardait et murmurait :
    «Moi, Denis de Thorenc, je dois te léguer ma mémoire. »
    Sa voix devenait plus grave, comme si ses souvenirs étaient encore chargés d’indignation et de colère :
    « Blanche de Castille et le roi avaient contraint les barons à s’incliner une nouvelle fois. Elle avait fait plier Raimond VII de Toulouse. J’avais vu celui qui avait battu Simon et Amaury de Montfort s’agenouiller et marcher, le Jeudi saint de l’année 1229, pieds nus, un cierge à la main, sur le parvis de Notre-Dame, supplier que Dieu et l’Église lui pardonnassent et obtenir enfin, après cette humiliation, que son excommunication
fût levée. Par le traité de Meaux, Raimond VII remettait à la papauté le Comtat Venaissin et Avignon. Le reste de ce qu’il possédait au-delà du Rhône entrait dans le domaine royal. Il devait hommage lige au roi de France, détruire ses châteaux, verser des milliers de pièces à l’Église, jurer qu’il combattrait l’hérésie, et promettait de marier sa fille, Jeanne, à Alphonse de Poitiers, frère de Louis. »
    Mon père ouvrit les bras :
    « Dieu avait voulu que le domaine royal de France bordât désormais la Méditerranée, la mer des croisés. Sa bonté faisait au roi Louis obligation. Mais, malgré cela, les jaloux, les félons ne cessaient de

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