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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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roi qui répétait, bras en croix : « J’ai perdu ma mère » :
    – Sire, je ne m’en étonne pas, car elle était mortelle, mais je m’étonne que vous, qui êtes un homme sage, meniez si grand deuil ; car vous savez que, selon le sage, douleur que l’on a au coeur ne doit paraître au visage, car agir autrement c’est réjouir ses ennemis et attrister ses amis.
    Le roi parut ne pas entendre.

    Mon père me confia que Blanche de Castille avait façonné le roi Louis comme un maître forgeron crée une lame. Puis il me parla longuement d’elle.
    Elle était plus qu’une mère, me dit-il. Elle l’était comme une Espagnole, et on sait la qualité et le tranchant des âmes hispaniques. Elle vivait entourée de dames et de serviteurs d’outre-Pyrénées. Le sang d’Aliénor d’Aquitaine, son aïeule, et celui de sa mère, Aliénor d’Angleterre, coulaient dans son corps, et celui de son père, Alphonse le Noble de Castille, était aussi valeureux.
    Elle était arrivée en France à l’âge de douze ans afin d’être mariée à Louis le Huitième. Elle avait défendu son époux quand il lui avait semblé que son beau-père, Philippe Auguste, ne soutenait pas assez les actions de son fils en
Angleterre. Louis avait demandé de l’argent à son père pour résister aux Anglais, et Philippe avait refusé.
    « Quand Madame Blanche le sut, me raconta mon père qui avait recueilli le récit d’un chroniqueur, elle vint au roi et lui dit : “Laisserez-vous ainsi mourir mon seigneur, votre fils, en pays étranger ? Sire, pour Dieu, il doit régner après vous, envoyez-lui ce qu’il lui faut, et d’abord les revenus de son patrimoine !
    – Certes, dit le roi à Blanche, je n’en ferai rien !
    – Non, Sire ?
    – Non, vraiment, dit le roi.
    – Par le nom de Dieu, je sais, moi, ce que je ferai ; j’ai de beaux enfants de mon seigneur ; je les mettrai en gage et trouverai bien quelqu’un qui me prêtera sur eux !”
    Et elle s’en alla comme une folle, mais le roi la fit rappeler et lui dit :
    “Blanche, je vous donnerai de mon trésor autant comme vous voudrez ; faites-en ce que vous voudrez, mais sachez en vérité que je n’enverrai rien à votre seigneur Louis, mon fils.
    – Sire, répondit Madame Blanche, vous dites bien.”
    Et alors un grand trésor lui fut délivré, qu’elle envoya à son seigneur. »

    Cette mère qui est prête à mettre ses enfants en gages pour aider son époux, que n’était-elle décidée à faire comme la régente de son fils Louis devenu roi ?
    Elle règne comme si elle était elle-même le souverain.
    43.
    Louis était le roi, mais, devant Blanche de Castille, mère, reine et régente, il baissait la tête et souvent s’agenouillait pour demander son pardon, sa clémence, sa bénédiction, recevoir ses conseils.
    Je me tenais à un pas derrière le roi – poursuivait mon père – et n’osais lever les yeux de crainte de croiser le regard de celle que les chroniqueurs et même les barons appelaient « Madame Blanche ».
    Je m’agenouillais à l’instar du roi, ne voyant plus de lui les longues et abondantes mèches blondes qui lui couvraient les épaules.
    Souvent, Madame Blanche posait sa main aux longs doigts bagués sur la tête de Louis qui se courbait davantage encore. J’entendais sa mère régente lui dire une nouvelle fois qu’elle aimerait mieux qu’il fût mort plutôt que de le voir commettre un péché mortel.
    Il tremblait. Je tremblais aussi.

    Puis nous partions suivre les messes, les vêpres, les heures canoniales, les sermons. Depuis que Louis avait été sacré à Reims, Madame Blanche se montrait plus exigeante.
    Lorsque nous allions jouer dans les bois et sur les rives de la Seine ou de la Loire, un maître accompagnait Louis,
l’obligeant à se tenir souvent à l’écart des jeux afin d’écouter ses leçons, de réciter, et parfois il le frappait sur le dos d’un coup de verge, comme Madame Blanche lui en avait donné l’ordre.
    Louis subissait avec patience et humilité, et, lorsqu’il lisait dans mes yeux la révolte, il disait avec solennité :
    « Ma mère le veut, Dieu le dicte ! »

    Heureusement, nous chevauchions au grand galop dans les forêts comme de jeunes chevaliers, nous brandissions nos glaives que nous avions peine à soulever tant ils nous paraissaient lourds.
    Mais, alors que je me laissais emporter par l’ardeur de la course et des jeux de tournoi, Louis gardait son air calme et

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