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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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déshéritera » – et il courait rejoindre les barons rassemblés par le roi à Ancenis. Ils s’engageaient tous à servir Louis IX contre les prétentions du roi d’Angleterre, Henri III, qui avait débarqué avec une armée à Saint-Malo et au Port-Blanc, et auquel s’était rallié Pierre Mauclerc, comte de Bretagne, persuadé que le Plantagenêt allait reconquérir tous ses domaines en France.
    Henri III d’Angleterre avait, dit-on, emporté dans ses bagages un manteau de cérémonie, une couronne et un bâton royal en argent doré pour s’en parer après sa victoire.
    Mais cette armée anglaise, qui traversa la Bretagne et le Poitou, gagna la Gascogne, puis revint de Bordeaux à Nantes, erra ainsi pendant trois mois.

    « La chaleur et le vin la décimèrent. »
    Henri III regagna l’Angleterre et Pierre Mauclerc s’engagea à ne pas pénétrer dans le domaine royal.
    Et Louis décida de faire construire, sur la rive droite de la Maine, le château fort d’Angers.

    « Nous avions dix-sept ans », dit mon père, puis baissant la tête comme s’il voulait s’excuser de s’être, par ces quelques mots, égalé au roi, il se reprit :
    – Le roi avait dix-sept ans.
    Et son visage, durant quelques instants, se figea. Il souriait avec une expression extatique, disant :
    – Si bel homme déjà, dépassant ses chevaliers de toute la tête !
    Il resta longuement silencieux, puis ajouta :
    – Il avait des yeux de colombe.
    Il se mit tout à coup à parler si vite, en grand désordre, décrivant les habits magnifiques que Blanche de Castille exigeait que le roi portât, et comment Louis souffrait de la richesse de ces tissus, de ces parures. Plus tard, quand il fut maître de ses choix, il se vêtit simplement d’une « cotte de camelot, d’un surcot de laine sans manches, d’un manteau de cendal noir autour de son col très bien peigné et sans capuche, et d’un chapeau de plumes de paon blanc sur la tête.
    – Ce n’était pas le costume d’un ecclésiastique, ajouta mon père. Seuls ses ennemis l’ont prétendu, qui traitaient Louis de « roi papelard, de misérable dévot qui a le cou tors et le capuchon sur l’épaule ». Ils l’appelaient « frère Louis ».
    Mon père s’est à nouveau interrompu, avant de préciser :
    – À dix-sept ans, il était déjà un homme pieux, s’abîmant en prières, mais c’est plus tard qu’il a assisté chaque jour à la messe de minuit, se rhabillant pour suivre cet office, se remettant au lit à demi vêtu, et, de peur de prolonger son sommeil, il indiquait aux gens de service une certaine longueur de cire des bougies. On avait ordre de le réveiller pour prime, quand elle serait consumée. Après prime, chaque matin, il entendait au moins deux messes, une pour les morts et la messe du jour
chantée, puis, pendant le reste de la journée, les offices de tierce, de sexte et de none, vêpres et complies. Le soir, après cinquante génuflexions et autant d’ Ave Maria , il se couchait sans boire un verre de « vin de couchier ».
    Il était pieux et il était roi – un grand roi, déjà, à dix-sept ans.
    46.
    Comment moi, Hugues de Thorenc, aurais-je pu ne pas partager l’admiration de mon père pour le roi de France qui m’avait choisi comme l’un de ses écuyers et s’apprêtait à m’adouber ?
    J’avais quatorze ans. C’était au début de la sainte et funeste année 1270 qui vit le roi, accompagné de ses meilleurs chevaliers, donc de mon père, partir en croisade et mourir à Carthage, le 25 août 1270.
    J’avais voulu m’embarquer avec eux à Aigues-Mortes, mais le roi me l’avait interdit.
    Je m’étais agenouillé devant lui, le suppliant de me laisser accomplir mon devoir de chrétien. Mais, posant la main sur l’épaule de mon père, il me dit que ses obligations envers moi et ma lignée de fidèles vassaux étaient celles d’un chef de famille qui ne doit pas seulement penser au présent, mais se soucier de sa descendance.
    Et il souhaitait que les Villeneuve de Thorenc pussent toujours, dans l’avenir, servir le roi de France.
    « Ton roi te protège, Hugues de Thorenc, Dieu le veut et Dieu te garde ! »

    L’annonce de la mort de Saint Louis m’avait accablé, et mon père, qui avait accompagné le corps du roi à Saint-Denis,
n’avait plus qu’un désir : rejoindre son « jumeau royal », son « frère suzerain », au royaume des Cieux.
    Survivre au roi lui semblait une félonie. Je

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