Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
dans ses mœurs comme dans ses paroles.
Depuis l’âge de la puberté, elle vivait comme une courtisane. Libre et licencieuse, elle se livrait sans aucune retenue au plaisir de tous les mâles qui la convoitaient. Tout le monde, dans son entourage, jusqu’au moindre de ses esclaves, connaissait et commentait les excès dans lesquels l’entraînait sa sensualité débridée. Quant à son regretté époux, le pauvre Marcellus, nul doute qu’il rougissait encore de ses débauches, du fond de son tombeau.
— Surveille tes paroles, ma fille, lui rappela Maesa. Elles ne sont pas dignes d’une princesse syrienne qui a été la nièce et la cousine de trois empereurs. Et qui pourrait bien être, d’ici peu, la mère du futur César. Si je peux passer sur tes débordements de courtisane, en revanche, je ne peux tolérer que tu t’exprimes comme une femme de cocher.
Soemias ne faisait plus grand cas des remontrances et des remarques acerbes de sa mère. Elle lui lança, pour l’énerver davantage, un regard de biche enjôleuse.
— Je laisse aux femmes très intelligentes, comme toi, l’art de l’éloquence. Ma tante, ta chère sœur Domna, ne vivait que pour faire de belles phrases, et toi, tu ne vis que pour l’imiter.
— Et toi, ma fille, pourquoi vis-tu ? Pour séduire ? Pour prendre du plaisir ? N’as-tu donc aucune pudeur ?
— La pudeur, comme la vertu, riposta Soemias avec une moue moqueuse, sont bonnes pour les laiderons et les vieilles décaties. Je les leur laisse volontiers.
— Oh, inutile de me le rappeler ! fit Maesa sévèrement. On entend tes cris et tes râles jusqu’à Palmyre !
— Tu me reproches mes écarts de conduite, ajouta sa fille en balayant, d’un coup de son flabellum (17) , une grosse mouche qui volait autour de son visage. Il me semble pourtant que tu les supportes très bien dès lors qu’ils servent tes intérêts…
— Mes intérêts et les tiens ! répliqua vertement sa mère. Et surtout ceux de ton fils !
— J’ignorais que l’avenir de mon cher Varius comptait à ce point pour toi, lui fit encore remarquer Soemias, avec son inimitable ton d’ironie et de douceur feinte.
— Tu sais parfaitement que le destin de notre famille repose désormais sur les épaules de cet enfant.
— Oh, vraiment ? Tu m’as pourtant toujours répété que mon pauvre garçon n’avait pas plus d’intelligence qu’un petit oiseau.
— Justement, grogna Maesa. Je travaille pour que ton précieux oisillon devienne un aigle.
— Non, objecta Soemias en souriant, tandis qu’elle tapotait son oreiller pour s’y adosser. Tu travailles pour toi.
— Tu sous-entends que je me sers de Varius ?
— Parfaitement. L’avenir de mon fils ne te préoccupe nullement. Je sais que tu ne l’aimes pas et cela ne date pas d’hier. Je sais aussi que tu préfères, de loin, ton cher petit Alexianus.
— Tes reproches sont injustes, dit Maesa en haussant les épaules. Je nourris la même affection pour mes deux petits-fils.
Puis elle ajouta, plus durement :
— Et toi ? Je pourrais bien t’adresser le même reproche : tu ne sembles guère concernée par l’avenir de Varius, qui est pourtant le fruit de ta chair.
— Bien sûr que je le suis ! répondit Soemias en se redressant, piquée au vif par le reproche. Crois-tu que j’aie couché avec ce répugnant centurion pour mon plaisir ? Je l’ai fait pour notre cause ! Même si ce fut un moment très déplaisant.
— Oh, je doute que le sacrifice fût si grand, ricana Maesa.
— Il l’a été, répliqua Soemias avec une grimace. Cet Acrissius est un porc. Je ne sais pas s’il a bu plus de vin qu’il n’en a vomi dans ma chambre !
— Peu m’importe le plaisir que tu as pris ou que tu n’as pas pris dans les bras de cet homme, coupa Maesa sans cacher son agacement. Ce qui m’intéresse, c’est ce que ton amant t’a appris sur Macrin.
— Il ne m’a rien appris de plus que nous ne sachions déjà, répondit évasivement Soemias.
— Ton centurion t’a-t-il dit au moins si le Maure était toujours à Antioche ?
Sa fille prit volontairement une pose qui fit glisser les draps, afin d’exhiber son corps voluptueux.
— Il semblerait qu’il le soit.
— Parfait, déclara sa mère en esquissant un sourire de satisfaction. Qu’il y reste le plus longtemps possible.
Maesa redoutait que l’usurpateur ne quitte la Syrie pour rejoindre l’Italie et que son armée se retrouve ainsi
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