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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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pourtant était le berceau de sa race, qui l’avait vue naître et grandir, lui devenait chaque jour plus douloureuse.
    Elle balaya du regard le paysage immuable qui s’étalait à ses pieds, avec dans les yeux tout l’ennui d’un très vieux sphinx, fatigué de contempler perpétuellement l’étendue de sable qui l’entoure et sur laquelle les hommes l’ont contraint à vivre pour l’éternité.
    Cette femme s’appelait Julia Maesa Bassiana.
    Elle avait le visage large, le nez busqué et fort, le menton anguleux d’un homme, des yeux charbonneux et inflexibles qui jetaient, du fond de leurs orbites brunes, les flammes d’un caractère énergique et intraitable. Elle avait une peau basanée, épaisse et dure, une charpente massive et solide, comme taillée dans la pierre du Taurus, que rien ne semblait pouvoir altérer et qui résistait, depuis soixante ans, à tous les assauts de la vie et du temps.
    Personne en cet instant n’aurait pu douter, en voyant cette roideur altière, que les veines de Maesa charriaient un sang royal. Car cette femme descendait de Sampsigeram (2) , d’Azisus, de Sohaemus et de Bassianus, de tous ces rois-prêtres qui gouvernaient autrefois la petite cité syrienne avant d’être dépouillés de leur souveraineté par les conquérants romains.
    Au sentiment d’appartenir à une dynastie déchue depuis trois cents ans mais néanmoins illustre venait s’ajouter, chez la vieille princesse, la conviction profonde de son autorité naturelle et de son intelligence, et cette certitude ravivait davantage encore sa fierté et sa majesté impérieuse.
    Elle observa encore une fois le ciel d’opale, morne et vide, puis exhala un bref soupir, pour chasser de son âme cette langueur inutile. Maesa n’était pas du genre à se laisser aller très longtemps à la mélancolie, ni à accepter docilement l’exil infamant auquel on l’avait condamnée.
    Alors qu’elle s’apprêtait à rentrer à l’intérieur du palais, elle perçut un bruit de pas sur les dalles, suivi d’un froissement d’étoffe. Son conseiller, Gannys Eutychianus, venait de la rejoindre sur la terrasse.
    Grand et robuste, mais sans être lourd, l’homme présentait toutes les caractéristiques physiques de l’Oriental : un teint hâlé, de grands yeux noirs étirés, des cheveux de jais qui se massaient, en volutes abondantes, de chaque côté de ses tempes.
    Eutychianus était assurément le plus bel homme de sa cour, le plus dévoué aussi. Maesa n’eut pas besoin de lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. Son favori devinait toujours ce qu’elle désirait savoir, avant même qu’elle n’ouvre la bouche pour s’exprimer.
    Non pas qu’il eût reçu les dons d’un chaldéen (3) ou d’un haruspice (4) , mais il connaissait la vieille Syrienne depuis si longtemps qu’il lui était devenu facile de lire dans ses pensées.
    Il s’éclaircit la voix, troublé par l’importance de ce qu’il avait à annoncer.
    — C’est fini, lui dit-il en baissant les paupières. Elle est morte hier soir.
    La princesse hocha la tête mais ne fit aucun commentaire. Elle posa une main sur l’une des colonnes de marbre et se mit à fixer un point dans le lointain.
    — Ta sœur s’est poignardée, précisa Eutychianus. Elle s’est porté elle-même le coup, dans la poitrine.
    — Une fin digne d’une tragédie grecque, répliqua froidement Maesa.
    Et sans rien ajouter, les yeux de nouveau accrochés sur l’horizon, dans son attitude de bas-relief, elle se mit à réfléchir.
    Ainsi, sa sœur, l’ Augusta, avait mis fin à ses jours. Les dieux avaient aspiré son dernier souffle et l’avaient enfin conduite dans l’autre monde…
    Nul n’ignorait que depuis plusieurs semaines, Julia Domna, la sœur cadette de Maesa, voulait mourir.
    Le récent assassinat de son fils, l’empereur Marcus Aurelius Antoninus (5) , familièrement surnommé Caracalla, avait plongé la pauvre femme dans un profond désespoir, au point qu’elle s’était d’abord résolue à se laisser périr de faim. Mais le trépas ne venant pas assez vite à son goût, celle que les Romains avaient affectueusement honorée du titre de Mère de la Patrie s’était finalement transpercé le sein.
    — Ta sœur aurait pu nous être utile, regretta Gannys Eutychianus. Elle disposait encore de nombreux appuis au Sénat et dans l’armée.
    — C’est aussi bien comme ça, répondit sèchement Maesa.
    Gannys Eutychianus nota

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