Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
vite possible.
Celui que Gannys Eutychianus venait de qualifier de pusio, c’est-à-dire de gamin, n’était autre que Varius Bassianus, le petit-fils de la princesse, l’enfant unique de sa fille aînée Soemias.
— Par la légion gauloise ?
— Oui, confirma Eutychianus, c’est la seule légion avec laquelle nous avons une chance de réussir. La seule qui soit cantonnée à Émèse et que nous pouvons gagner facilement à notre cause. Les soldats de la III e Gallica connaissent Varius, ils viennent le voir parfois au temple. Et je crois savoir que la jeunesse et la beauté de ton petit-fils ne les laissent pas indifférents.
— Bien, fit Maesa, les sourcils froncés, imaginons que les soldats de la légion gauloise acceptent de proclamer Varius empereur… Qu’arrivera-t-il ensuite ? Que se passera-t-il lorsque Varius aura été acclamé par les troupes ?
Le beau Gannys prit un air désolé pour répondre :
— Rome aura alors deux empereurs.
— Exactement ! fulmina Maesa avec un nouveau mouvement d’humeur. Rome aura deux empereurs ! Et rien ne nous assure qu’entre Varius et le Maure, les sénateurs choisiront de légitimer Varius !
— Il sera temps, alors, de nous débarrasser de Macrin, fit placidement Gannys. Ainsi le problème ne se posera plus de savoir si le Sénat est apte à faire le bon choix.
Maesa fit signe à son conseiller de rentrer à l’intérieur du palais. Sur la terrasse, la chaleur devenait accablante et elle sentait sa peau se tirer comme un vieux papyrus.
— Nous aviserons plus tard quant aux moyens d’éliminer Macrin. Pour le moment, lui conseilla Gannys, tandis qu’ils marchaient lentement à travers les couloirs, tous nos efforts doivent se concentrer sur un seul objectif : convaincre les soldats de la légion gauloise que Macrin est un traître et que ton petit-fils est le véritable César que les dieux ont choisi pour conduire la destinée de Rome.
— Oui, approuva Maesa. Il va falloir leur vanter, sans répit, les mérites et les qualités de Varius.
Elle s’immobilisa et croisa les bras sur sa poitrine.
— Quant au Maure, ajouta-t-elle, tu as raison : nous n’allons pas l’épargner ! Il faut l’accabler de tous les vices et de tous les défauts que nous pourrons lui trouver.
Eutychianus hocha la tête d’un air convaincu.
— Ce ne sera pas très difficile, dit-il. Les soldats le détestent. Bon nombre d’entre eux regrettent déjà leur choix.
Le Syrien ne se trompait guère en affirmant que le nouvel imperator n’était pas très populaire dans l’armée d’Orient. Le roi des Parthes, Artaban V, lui avait récemment infligé une défaite cuisante près de Nisibe, ce qui l’avait contraint à négocier un traité de paix honteux avec l’ennemi. Le bruit courait que Macrin avait versé, pour s’assurer la neutralité du fier Artaban, la somme colossale de quinze millions de sesterces.
Cette décision avait encore augmenté la colère des légionnaires qui reprochaient à Macrin d’avoir, quelques semaines plus tôt, renvoyé tous les prisonniers et tout le butin conquis par Caracalla, leur chef bien-aimé.
— Il est évident que le Maure est un piètre stratège, ricana Maesa. Je me demande ce qui a bien pu passer par la tête de Caracalla quand il l’a nommé préfet du prétoire ! On ne peut pas dire que ce vieil imbécile soit possédé par la fureur de Mars !
Gannys Eutychianus opina du chef. C’était un fait que le nouvel empereur n’avait pas l’âme d’un soldat et qu’il préférait la diplomatie, fut-elle hasardeuse, aux combats.
Mais ce que Maesa avait délibérément omis de préciser, c’est que Macrin avait eu la sagesse de mettre un terme à une guerre coûteuse et inutile, entreprise par Septime Sévère et Caracalla vingt ans plus tôt. Une guerre qui n’était pas la sienne.
— Qu’on fasse savoir aux soldats que Macrin est un ignoble lâche et qu’il est l’assassin de mon neveu, déclara Maesa. Qu’on leur dise bien qu’il les a trompés, que ce n’est qu’un comédien ! Quand je pense qu’il leur a fait croire qu’il condamnait le meurtre de Caracalla et qu’il a osé pleurer sur sa dépouille ! L’hypocrite a cru se disculper auprès des prétoriens en faisant transporter les cendres de mon neveu dans le mausolée d’Hadrien ! Eh bien, crois-moi, nous allons vite rétablir la vérité !
Elle approcha son visage dur et déterminé de celui de son
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