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Le Secret de l'enclos du Temple

Le Secret de l'enclos du Temple

Titel: Le Secret de l'enclos du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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à faire la guerre pour son roi.
    Il ne regrettait pas son engagement ; après tout le métier des armes était le seul qu'on sache bien exercer chez les Bussy, mais il se sentait las. Au cours de ces dernières années, la fortune n'avait jamais été au rendez-vous, alors que les rebuffades, les blessures et les fièvres ne lui avaient pas fait défaut. Certes, il avait les titres de conseiller d'État et lieutenant général des armées du roi en Nivernais, mais il n'était toujours que capitaine-lieutenant et maître de camp d'un régiment d'infanterie de douze compagnies. Et sa bourse se montrait toujours aussi plate, alors que le train de vie d'un lieutenant général des armées du roi exigeait une solide fortune.
    Pourquoi Mazarin ne lui proposait-il pas une charge de maître de la cavalerie légère qui lui ouvrirait la voie à la commission de maréchal de camp ? N'était-il pas l'un des meilleurs capitaines de l'armée de Condé ? Ayant interrogé le Prince, celui-ci lui avait répondu que certaines de ses aventures galantes avec des dames mariées, et plus encore l'impertinence de ses boutades, lui portaient préjudice. Ce pourrait-il qu'il ait raison ?
    Il chassa cette idée. Il n'était pas plus hardi auprès des femmes que le Prince lui-même, ni plus insolent que lui.
    Une autre question le taraudait : et si la cause de sa défaveur à la Cour tenait tout simplement au prince auquel il s'était lié ? On lui avait rapporté que lorsque Louis de Bourbon avait demandé pour lui la charge de lieutenant du roi en Nivernais – une charge qui lui venait de son père –, la reine avait failli la lui refuser, justement parce qu'il était son affidé.
    Il songea à nouveau à l'année qui venait de s'écouler, une année noire, tant pour son maître, Louis de Bourbon prince de Condé, que pour lui-même. Par manque de moyens, la campagne de Catalogne avait tourné au désastre avec l'abandon du siège de Lérida, et il avait contracté une fièvre quarte qui l'avait obligé à rentrer précipitamment en Bourgogne.
    Heureusement, il allait mieux, et goûter aux plaisirs de Paris lui ferait certainement du bien. Il verrait sa cousine Marie, ses amies, la marquise de Rambouillet peut-être. Les fêtes de Noël seraient sans doute bien douces chez son oncle, le grand prieur.
    Il avait besoin d'en profiter, car l'année 1648 ne serait pas bonne, il le sentait déjà. Le Prince, vu à Dijon la semaine précédente, lui avait dit qu'ils partiraient sans doute en Flandre, vers Arras. Mais Louis de Bourbon ne croyait guère que Mazarin lui donnerait les moyens de vaincre les Espagnols. Le cardinal le craignait trop pour lui offrir un peu de gloire. Afin d'obtenir la paix, Mazarin comptait plus sur les combinazioni conduites à Munster que sur une éclatante victoire contre les Espagnols.
    Et s'il n'y avait pas de victoire, il n'y aurait pas de butin, pas de promotion, pas de charge de maître de camp général pour lui.
    Comment parviendrait-il à s'enrichir pour faire face à ses obligations et doter ses filles ? Peut-être devrait-il épouser une riche veuve ? Il en parlerait à sa cousine qui connaissait tant de monde ! Mais il lui faudrait une belle et avenante veuve, se dit-il en retenant un sourire. Autre éventualité : se faire écrivain. Ayant une jolie plume et un réel talent, pourquoi n'écrirait-il pas un roman ? Une idée lui trottait déjà dans la tête : un récit sur les histoires d'amour de la Cour, mais quelque chose de plus gaillard que L'Astrée . Il l'appellerait l' Histoire amoureuse des Gaules . Pour autant, avait-on jamais vu un romancier faire fortune ?
    *
    Son carrosse s'arrêta devant le portail du Temple : une poterne fortifiée voûtée sur croisée d'ogives encadrée par deux tours à archères et surmontée d'une salle des gardes. Reconnaissant le blason des Rabutin sur les portières du carrosse, l'officier de service, en manteau des hospitaliers, fit signe au cocher de passer devant les voitures et les cavaliers qui attendaient.
    Comme toujours, la foule était nombreuse à vouloir entrer dans l'enclos, lieu d'asile et de franchise ; les débiteurs s'y trouvaient à l'abri de leurs créanciers ; la prostitution y était plus que tolérée ; les taxes sur les marchandises insignifiantes.
    Ils eurent ensuite quelques tracas à traverser la grande cour qu'on appelait le préau du Temple. À toute heure du jour, des badauds circulaient, attirés par les baraques

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