Le Secret de l'enclos du Temple
de Louis tant l'objet pesait lourd. Ils le tirèrent et le déposèrent doucement sur la pierre posée dans la vase. Rouillé, étroit, faisant deux pieds de long et renforcé de lanières de fer qui partaient en morceaux, c'était plutôt une longue caisse de métal. L'eau, qui avait plusieurs fois envahi la cave, avait transformé le métal en une masse confuse où toute trace de fermeture avait disparu. Un autre objet habitait la cavité : les restes d'une clef si rouillée qu'elle était inutilisable.
Les deux frères, impressionnés par ce qu'ils venaient de découvrir, attendaient les ordres. Leurs regards admiratifs passant successivement du coffre à leur maître.
Louis était maintenant soulagé. Cette fois, il avait bien percé le secret. Le parchemin indiquait la maison de Guillaume de l'Aigle, et non le gisant, même si cette solution relevait sans doute du leurre savamment élaboré. Celui qui l'avait écrit n'avait pas imaginé que plusieurs siècles s'écouleraient avant qu'on s'en aperçoive, et que tout le monde aurait oublié où avait habité le commandeur Guillaume de l'Aigle.
— Guillaume, il faut remettre la pierre et refaire le joint avec la chaux que nous avons apportée. Ensuite, tu jetteras dessus de la boue ; ça devrait suffire pour dissimuler nos travaux.
Les deux frères obéirent. Pendant qu'ils replaçaient la pierre, Louis examina la boîte de fer et tenta en vain de la bouger. Elle pesait au moins deux cents livres 179 . Pleine de pierres, elle aurait été moins lourde, donc ne pouvait contenir que de l'or. Combien ? Il chassa cette idée, ne voulant pas faire de plan sur l'avenir sans savoir ce qu'il y avait à l'intérieur.
Quand Jacques et Guillaume eurent fini, Louis ouvrit la porte et appela Bauer, en train de se quereller avec le cocher d'un carrosse que la charrette empêchait de passer. Le Bavarois entra et resta stupéfait devant le coffre.
— On a trouvé, Friedrich ! lui lança Louis d'une voix excitée. Prend mon manteau et enveloppe le coffre dedans. Les frères Bouvier vont t'aider à le porter dans la charrette. Attention, il est très lourd.
Avec Bauer, le transport fut facile et si des voisins les observaient ils ne purent se douter de ce qu'ils emportaient.
*
À l'étude, Louis fit fermer le portail et porter le coffre dans la salle commune entre la cuisine et le vestibule. Il envoya ensuite Bauer quérir son père, sa mère, son frère et Julie pendant que les frères Bouvier allaient chercher des outils.
Quand tous furent présents, médusés, Louis leur expliqua sa découverte.
Les deux frères s'attaquèrent alors au coffre. En grattant, ils trouvèrent la marque du couvercle qu'ils creusèrent avec un ciseau à fer et un marteau. Le métal rouillé ne résistant guère, au bout de quelques minutes le couvercle se détacha.
Le coffre était empli de deniers à l'écu, tous identiques, brillants, neufs.
Ils restèrent silencieux, paralysés, devant cette fortune. Combien pouvait-il y avoir ? Louis fit un rapide calcul. Le coffre pesait près de deux cents livres et ne contenait que de l'or. Il devait y avoir devant eux entre deux cent et quatre cent mille livres tournois.
Fronsac père commença à sortir les pièces puis, aidé de son second fils, en fit des tas pour les compter. Julie, Mme Fronsac et Louis se joignirent à eux. La table fut vite envahie et Louis partit chercher des sacs dans le cabinet.
À son retour, son père lui remit une pochette de cuir huilé, tout craquelé. Louis lui lança un regard interrogateur.
— C'était au milieu des pièces.
La poche était soigneusement cousue, mais le cuir si vieux qu'il fut facile de le déchirer. Elle contenait un court parchemin en peau de mouton arborant le gros sceau du Temple. Louis le lut avant de le tendre à son père.
Gisortis, Non nobis Domine Non nobis sed Nomini Tuo da Gloriam 180
— Gisors ? Qu'est-ce que cela signifie ?
— Ce n'est pas le trésor du Temple que j'ai découvert, père, juste une coquette somme destinée à aider des templiers en fuite. Je pense que c'est à Gisors que Molay a envoyé les archives et la fortune de son ordre. Et qu'il voulait en avertir ceux ayant échappé à le Bel. Il avait prévu qu'un initié trouverait le coffret chez lui, déchiffrerait aisément le message, puis se rendrait à la maison de Guillaume de l'Aigle où il aurait pris connaissance de l'endroit où étaient dissimulés les cinquante coffres. Là-bas, il
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