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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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n’est qu’en affrontant l’affreux spectacle du cadavre de Lucie que j’ai commencé à avoir des doutes : elle était la maîtresse de Charles. J’hésitais à intervenir, je craignais pour ma vie et celle de mes proches. Je n’avais pas tort, malgré la profonde affection qu’il vouait à mon père, Charles a tenté de le supprimer.
    — Ainsi c’était vrai ?
    — Vous me surprenez, monsieur Legris, ma parole vous êtes omniscient ! Oui, on a bien tiré sur mon père, mais il a eu la bonne fortune de se baisser au moment opportun. La balle s’est fichée dans l’œil d’un de ses chiens empaillés.
    — Tandis que vous gardiez le silence, votre secrétaire semait la mort sur son passage !
    — Je regrette de vous avoir mis en péril. Je comptais alerter la police avant-hier, vous m’avez coupé l’herbe sous le pied.
    — Moissonner des informations est l’un de mes violons d’Ingres.
    — Le plus comique est que la coupe ne nous eût probablement servi à rien. Alexis, à qui j’ai tout conté, me l’a affirmé. Antoine pensait que le crâne eût suffi à proclamer l’existence du pithécanthrope et à asseoir sa réputation. Mais il eût fallu qu’il possédât d’autres ossements, notamment ceux de membres inférieurs, afin de prouver que la calotte appartenait à un anthropopithèque et non à un singe. Par ailleurs, ce crâne avait sans doute été retaillé et poncé avant de devenir un brûle-encens, de sorte que le bourrelet sus-orbitaire en était, supposons-nous, absent.
    — Il l’était, je peux en témoigner.
    — Antoine a été assassiné pour du vent. Et, après sa mort, j’ai continué à me nourrir de fausses espérances, déclara-t-elle avec amertume.
    — Tout s’explique : vous aviez repris à votre compte la quête de votre défunt époux, voilà le véritable motif de votre silence ! Pensiez-vous réellement parvenir à vous entendre avec un criminel ?
    — On réussit souvent à convaincre les hommes, ils ont tous les mêmes désirs, monsieur Legris, il suffit d’utiliser certains arguments, répliqua-t-elle en rajustant négligemment son décolleté.
    — Vous oubliez la pauvre Lucie Robin.
    — Je suis d’une autre trempe.
    — Mais pourquoi un tel acharnement contre les détenteurs de cette coupe ? Charles Dorsel aurait pu se contenter de la récupérer.
    — La clé réside dans son passé. Il est né en 1868 dans une petite ville de Hollande, Nimègue. C’était l’aîné de trois enfants. Sa mère, émigrée belge, obéissait aveuglément à son mari, un pasteur luthérien plus que puritain. Il avait à peu près dix ans quand la famille s’expatria aux Indes néerlandaises pour évangéliser les autochtones, à Tjaringin, une mission au bord de la mer. Peu de temps après, Charles fut envoyé en pension chez un pasteur de Batavia avec qui il poursuivit des études de théologie. Le 27 août 1883, le Krakatau entra en éruption, toute la famille Dorsel périt dans le raz de marée qui balaya la côte, et Charles subit un traumatisme grave.
    — On ne devient pas assassin pour autant.
    — Tout dépend de la pédagogie que l’on dispense aux enfants, monsieur Legris. Influencé par son tuteur, selon lequel cette catastrophe symbolisait un signe avant-coureur de l’Apocalypse, Charles sombra dans un rigorisme dont il affectait de rire par la suite avec Antoine et moi, mais qui était resté son véritable credo. Doué pour la rhétorique, il rédigea des prêches. Considérant que cela ne nourrissait pas son homme, il s’engagea dans l’armée. Lors d’un dîner, il fut présenté à Antoine, qui le prit à son service.
    — N’avez-vous rien deviné alors de son déséquilibre nerveux ?
    — Il était impulsif, parfois prompt à la colère, mais également doté d’un grand charme, et d’un indiscutable pouvoir de séduction. Pour nous c’était presque un fils. Nous n’avions pas conscience qu’il se sentait investi d’un devoir mystique. Il souffrait sans relâche de la disparition de sa famille et pensait avoir été épargné en vue de quelque plan divin. Vu son éducation, il était logique qu’il abhorrât les théories transformistes. Qu’on osât apparenter l’homme aux orangs-outans et aux gibbons constituait à ses yeux un sacrilège et une hérésie. Et avoir été employé par Antoine pour démontrer cette filiation mit un comble à sa fureur. Toutefois il se contint. Son heure sonna le 27 mars, quand il

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