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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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fière de son père.
    — Soutenez-vous les poseurs de bombes ? demanda Victor, soudain alarmé.
    — Non, rassurez-vous, je condamne les attentats, je suis très éloigné de ces démonstrations meurtrières, on ne peut défendre les opprimés par de tels moyens. J’aspire à une société fondée sur la justice, mais cela ne va pas de soi. En Russie, la politique du tsar a inauguré le plus barbare des régimes répressifs envers les Juifs, n’épargnant ni les femmes ni les enfants. Le plan du pouvoir est clairement défini : un tiers des Juifs se convertira, un tiers mourra, un tiers émigrera. Ces dix dernières années, à Jitomir, Kiev, Odessa, et dans vingt autres villes, les pavés se sont teintés de sang. Le monde civilisé s’est indigné. À la nouvelle de ces massacres, un Comité de secours pour les israélites de Russie a été fondé, présidé par Victor Hugo. Pour ma part, j’ai organisé des collectes de fonds destinés à alimenter les caisses de secours. J’ai fini par être repéré par la police secrète et j’ai dû m’enfuir de nouveau, cette fois à Berlin. C’est là que j’ai revu Djina, mon épouse. Je voulais la soutenir, veiller à son bien-être. Elle a insisté pour que je me mette à l’abri, conclut-il en évitant le regard de Tasha.
    Il eut un léger soupir, se détourna, prit une rose dans un vase et la huma délicatement, comme si ce parfum chassait ses regrets.
    — Il y a des situations qui l’emportent sur les sentiments personnels, murmura-t-il pour lui-même. Il sortit un journal de sa poche et le tendit à Victor.
    —  La Libre Parole 49 , qu’est-ce que c’est ?
    — Une nouvelle feuille de chou au nationalisme outrancier qui s’appuie sur la haine antisémite. Prenez garde, monsieur Legris, si vous ne vous sentez pas de taille à affronter de gros ennuis, évitez de vous engager avec ma fille.
    — Pour qui me prenez-vous !
    — Pour un homme amoureux. Il n’y a pas encore ici d’agressions physiques et de décrets discriminatoires, mais tout peut arriver. Depuis l’aube des temps les peuples ont eu besoin de boucs émissaires pour exorciser leurs propres démons.
    — Papa, tais-toi. Nous sommes en démocratie, en république, au pays des droits de l’homme et de la liberté, une telle chose ne se produira jamais en France.
    — Crois-tu ?
    — J’en suis sûre, lança-t-elle avant de sortir de la pièce.
    Un silence gêné s’appesantit.
    — Vous avez lu la légende de Mélusine ? s’enquit Pinkus à brûle-pourpoint.
    — Partiellement. C’est l’histoire d’une fée qui se changeait en créature mi-femme mi-serpent.
    — Oui, uniquement le samedi. Elle épousa Raimondin, seigneur de Lusignan, et l’implora de ne pas tenter de l’apercevoir ce jour-là. Hélas, il céda à la curiosité et entrevit son adorée plongée nue en une cuve dont elle fouettait l’eau de sa queue serpentine.
    — J’admire votre connaissance de la mythologie française.
    — En tant que peintre, j’aimais dans ma jeunesse représenter des scènes inspirées des contes populaires de divers pays. Vous souvenez-vous de la chute ?
    — Je crois me rappeler que Mélusine poussa un cri déchirant et disparut pour toujours. Je déchiffre votre avertissement, mais je ne suis pas Raimondin.
    — Soyez vigilant, Tasha est la digne fille de son père. Elle a besoin d’indépendance, sinon elle risque de prendre le large.
    — C’est pourtant ce qui va se passer, il me semble, et vous constatez que je ne m’y oppose pas.
    Pinkus lui serra la main.
    — Certes, monsieur Legris – Victor –, toutefois, lorsqu’elle sera revenue, je vous engage à persévérer. Il y a en tout cas un fait indéniable : grâce à vous, elle exerce son art dans les meilleures conditions possibles, et elle a réalisé des progrès notables. Je vous en remercie infiniment.
    Lorsque Pinkus eut rejoint Tasha, Victor savoura longuement ces dernières paroles en même temps qu’il massait ses doigts broyés par une poigne un peu trop vigoureuse. À la satisfaction d’avoir été complimenté succéda un début de vague à l’âme associé à ses propres défaillances qui avaient manqué lui coûter la vie et l’amour. Il allait succomber au plaisir malsain de dramatiser sa prochaine solitude, quand il se ressaisit et se leva d’un seul élan, ignorant le trait lancinant qui traversait sa poitrine.
     
    Debout au milieu du salon où Victor s’était déjà

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