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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Désormais, le fait de connaître les signes distinctifs d’un meurtrier suffit à le confondre. C’est une chance que les policiers de Saint-Étienne, qui avaient déjà bouclé Kœningstein en 79 sous l’inculpation de vol, aient utilisé le bertillonnage. Ils ont envoyé les mensurations exactes du lascar au service d’anthropométrie de la préfecture de police, qui les a transmises à la presse. Moyennant quoi, Lhérot, le garçon du restaurant Véry, a identifié Ravachol grâce à ses cicatrices à la main et au visage, et permis son arrestation. Alphonse Bertillon n’a eu qu’à mesurer et photographier son client, établissant ainsi que lui et Kœningstein ne faisaient qu’un. Appréciez la logique de cet engrenage.
    — Je serais beaucoup plus tranquille si notre ministre de l’Intérieur 13 nous évitait le destin funeste de l’Allemagne et de l’Italie, terrorisées par des fanatiques, et faisait en sorte que Paris ne se transforme pas en camp retranché. La peur suinte des murs…
    Carrefour de l’Odéon, Victor quitta avec soulagement la voiture jaune qui repartit en brimbalant. Les explosions du boulevard Saint-Germain 14 et de la rue de Clichy, proches l’un de la librairie, l’autre de son domicile personnel, l’avaient certes remué. Cependant il n’en avait pas éprouvé l’émoi des deux bourgeois. À présent une menace précise pesait sur sa vie, et sur les êtres qui lui étaient chers, en particulier Tasha : qu’adviendrait-il si elle se trouvait sur les lieux d’un attentat ? Parmi toutes les appréhensions qui l’assaillaient parfois, celle-ci était inédite, et redoutable.
     
    — Faut toujours qu’il commence à flotter juste à l’heure des commissions, on dirait qu’les nuages me guettent !
    Convaincue d’être la victime d’un complot général, Euphrosine longea le bureau sans accorder attention à son fils affairé auprès d’une jolie cliente au nez retroussé. Depuis la veille, elle s’autorisait à reprendre ses allées et venues dans la librairie, prête à se plaindre à M. Mori au cas où Victor lui en ferait reproche. Elle tira brusquement du porte-parapluies une grosse ombrelle de madapolam violet. Un bout de papier voltigea vers le sol. Elle se baissa en bougonnant.
    — J’vais me casser les reins si ça continue. Tiens, une carte de visite, en v’là un endroit pour laisser son adresse…
    Du coin de l’œil Joseph vit sa mère manipuler des
    dossiers sur le comptoir.
    « Pourvu qu’elle ne se mêle pas des ventes, ce serait le pompon ! »
    Il lui tourna ostensiblement le dos alors que Victor arrivait.
    À peine entré, Victor avisa le bristol calé contre un pot contenant des ciseaux. Il parcourut rapidement les trois lignes tracées d’une écriture régulière :
     
    Cher monsieur Mori,
    Je dois vous rencontrer au plus vite. Lady Pebble m’a communiqué votre adresse en m’assurant de votre coopération.
    Dans l’espoir d’obtenir votre appui.
    Antoine du Houssoye.
     
    Il lui fallut plusieurs minutes pour assimiler ce texte. Pebble… Pebble… Quand avait-il entendu ce nom ? Il tripota machinalement le bristol :
    ANTOINE DU HOUSSOYE
    Zoologiste
    Professeur
    Au Muséum d’histoire naturelle
    Et tandis qu’il s’appuyait au comptoir, le déclic se produisit.
    — Peste ! Mon rêve !
    Une pluie de cailloux s’abattait sur l’appartement de Kenji changé en une décharge où se traînaient de malheureuses tortues égarées parmi des tas de gravats. Et tout s’ordonna. Le mot « caillou » se raccrocha, comme un wagon, à son équivalent anglais « pebble ». Les questions de Joseph relatives à un article du Times rapporté par Iris lui revinrent en mémoire :
    — Patron, en français, ça veut dire quoi murder ?
    — Meurtre, assassinat, avait-il répondu.
    Il demeura immobile, envahi par un sentiment d’irréalité. Le Times ! Il fallait qu’il consulte le Times , immédiatement.
    — Joseph, avez-vous le journal anglais que vous tentiez vainement de traduire ?
    Délaissant un instant la jeune femme blonde, Jojo accourut.
    — M’essayais pas, j’me débrouillais très bien !
    — Puis-je vous l’emprunter ?
    De mauvaise grâce, Jojo tendit le journal roulé en cylindre qu’il avait rangé en compagnie de son calepin.
    — Faudra me le rendre, hein ?
    — Rassurez-vous. Dites-moi, cette carte de visite, quand a-t-elle été déposée ?
    — Quelle carte de visite ? Ah oui ! Celle du

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