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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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sabres, les laques et les bols à thé balayés des étagères. Un encrier renversé avait imbibé le tapis d’une tache bleue.
    — Mon armoire a été vidée, on a exploré chaque meuble, poussé le lit, retourné le matelas. J’ai l’impression que le voleur visait un but précis, enchaîna Iris.
    — Qu’est-ce qui vous le fait croire ?
    — On a négligé mon coffret à bijoux, et il était en évidence. Un enfant cherchant des confitures n’aurait pas agi autrement.
    — Y a-t-il une pièce manquante ? demanda Victor. Vos estampes ?
    — Il faut que je m’en assure, j’en ai pour un bout de temps, bougonna Kenji, s’appliquant à lisser les pages froissées de ses reliés.
     
    Joseph glissa à bas de l’échelle et se gratta l’oreille. Cette situation dépassait son entendement. Même sans être passionné de littérature, un cambrioleur qui prend la peine de fabriquer des clés pour s’introduire dans une librairie aurait dû au moins se laisser tenter par les trois superbes tomes in-huit des Roses , de Pierre-Joseph Redouté, exposés en vitrine, ne fût-ce que pour leur valeur marchande. Quant à l’arrière-boutique consacrée aux périples en terres étrangères et abritant le saint des saints où M. Mori conservait une précieuse collection d’objets exotiques, elle n’avait subi aucun dommage.
    Il essaya de résoudre cette devinette, mais les déambulations au-dessus de sa tête détournèrent le cours de
    ses cogitations. Cela faisait plus d’une heure que M. Mori et sa fille piétinaient là-haut et Iris n’avait pas trouvé moyen de s’échapper cinq minutes alors qu’il brûlait de la revoir. Elle ne l’aimait pas, voilà. Une tristesse infinie lui serra le cœur. Pourtant, la lettre… Sa lettre.
    « Ils la surveillent, c’est ça, surtout M. Legris. Depuis qu’il sait qu’elle est sa sœur il se sent une âme de duègne ! »
    Il ébaucha le geste de remiser l’échelle et s’arrêta net. Ce parfum…
    — Mon pauvre Joseph, toujours de corvée. Allons, venez, je vous ai apporté des babioles de Londres.
    — Iris ! Vous, enfin ! s’écria-t-il d’une voix enrouée.
     
    — Je suis perplexe, dit Kenji. On ne m’a dérobé que deux volumes, l’un fort rare : Le Pastissier françois , un Elzévir de 1655 dont la cote varie entre quatre et cinq mille francs, l’autre sans le moindre intérêt : Règles du savoir-vivre , par la baronne Staffe, acheté vingt centimes sur les quais. C’est bizarre.
    Il fit coulisser le fusuma qui séparait son bureau de sa chambre à coucher. Si la natte, la courtepointe et l’oreiller de bois occupant le plancher surélevé de l’alcôve avaient été déplacés, on n’avait pas découvert la cache contenant ses papiers personnels, ménagée sous les lattes du sommier. Il en fut soulagé, mais déchanta en constatant que les ferrures du coffre japonais en bois foncé qui faisait face au lit étaient sorties de leurs gonds.
    Victor se tenait à distance, afin de souligner sa discrétion. Ce coffre renfermait des souvenirs intimes et son propriétaire détestait qu’on s’insinuât dans son jardin secret.
    Kenji fit la grimace et rejeta la mèche grise qui lui barrait le front.
    — J’aurais besoin d’une dose de thé vert, murmura-t-il.
    — Je vais vous en préparer, proposa Victor en s’éclipsant.
    Penché sur la rampe de l’escalier intérieur, il observa un moment Iris et Joseph assis sagement côte à côte derrière le comptoir de la librairie. Il toussota et fit signe à sa sœur de le rejoindre.
    — Votre inventaire, Joseph ?
    — Impeccable, patron, tous les bouquins sont présents à l’appel, il ne me reste qu’à empaqueter les commandes à livrer demain et je ferme. M. Mori a-t-il une idée ce qu’on lui a volé ?
    — Pas la moindre. Bonsoir, Joseph.
    — Bonsoir, patron ! Bonsoir, mademoiselle Iris !
     
    Victor et Iris s’attablèrent dans la cuisine autour d’une théière fumante. Kenji garda le silence, les yeux braqués sur sa tasse, puis déclara :
    — Décidément c’est une énigme. Hormis ces deux volumes, on m’a chapardé dans mon coffre une coupe qui n’avait qu’une valeur sentimentale. Il y a quelques années j’ai reçu un colis en provenance d’Écosse, accompagné d’une lettre. Je vais vous la lire :
     
    Brougham Green, le 14 octobre 1889
    Cher monsieur Mori
    Afin de respecter les volontés de mon frère qui vous portait une indéfectible

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