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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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s’en retourne chez soi les gars ? »
    Quelqu’un s’écria dans une mimique provocante : « Oh, maman, viens vite voir les jolis soldats ! »
    Il n’y eut aucune réplique de la part du régiment meurtri et battu, à part qu’un homme distribua largement des défis autour de lui pour se battre à coups de poings, et que l’officier à barbe rousse passa plutôt prêt d’un capitaine de grande taille le défiant d’un regard de matamore. Mais le lieutenant fit taire l’homme qui voulait se battre à coups de poings, et le grand capitaine, rougissant à la voix de fanfare de l’officier roux, détourna les yeux et fixa intensément les arbres.
    La sensibilité de l’adolescent fût profondément piquée par ces remarques. Le front plissé, il fronçait les sourcils en jetant des regards de haine vers les railleurs. Il médita sur quelque revanche. Dans le régiment pourtant, nombreux étaient ceux qui baissèrent la tête comme des criminels, et se mirent laborieusement en marche avec une lourdeur soudaine, comme s’ils portaient sur leurs épaules affaissées le poids de leur déshonneur. Alors, le jeune lieutenant, se ressaisissant, commença à murmurer en douceur de noires malédictions.
    Quand ils parvinrent à leur position initiale, ils se retournèrent pour voir le terrain sur lequel ils avaient chargé.
    À cette vue l’adolescent fût frappé d’un grand étonnement. Il découvrit que les distances franchies, comparées aux brillantes estimations de son esprit, étaient faibles et même ridicules. Les arbres impassibles, là où presque tout s’était passé, paraissaient incroyablement proches. Maintenant qu’il y pensait le temps aussi, il voyait bien qu’il avait été court. Il s’émerveillait sur le nombre d’émotions et d’évènements qui se massèrent en foule dans de tels espaces réduits. Sa fantasmagorique imagination a dû tout exagérer et tout agrandir, se dit-il.
    Il lui parut alors qu’il y avait une amère justice dans les paroles des vétérans étiques et bronzés. Il voila un regard de dédain envers ses camarades étalés au sol, étouffant sous la poussière, rouges tellement ils transpiraient, les yeux embués, les cheveux en désordre.
    Ils buvaient de leurs gourdes à grands traits, avides d’en tirer jusqu’à la moindre goutte ; et s’essuyaient les traits enflés et mouillés avec la manche de leur veste ainsi que des poignées d’herbes.
    Néanmoins, l’adolescent éprouvait une joie considérable à revoir ses performances durant l’attaque. Auparavant il n’avait eu que très peu de temps pour s’apprécier, aussi, en réfléchissant tranquillement à ce qu’il avait fait, il ressentait maintenant une grande satisfaction. Il se rappela ces actions colorées, qui dans la confusion s’étaient imprimées à son insu dans ses sens éprouvés.
    Alors que le régiment était allongé à souffler après le terrible effort déployé, l’officier qui les avait taxés de muletiers arriva en galopant le long de la ligne. Il avait perdu son képi. Ses cheveux en désordre ondulaient furieusement, et son visage était noir de colère et de vexation. Sa fureur se manifestait plus clairement dans sa manière de traiter son cheval : il secouait la bride et la tordait de sauvage façon ; arrêtant la bête essoufflée près du colonel du régiment en tirant furieusement sur les rênes. Il explosa immédiatement en reproches qui arrivaient sans peine à l’oreille des hommes. Ils devinrent aussitôt alertes, étant toujours curieux d’entendre une dispute verbale entre officiers.
    – « Ah, sacré tonnerre ! Mac Chesney, quelle terrible boutade tu nous as faite là ! » Commença l’officier. Il baissa le ton, mais son indignation permit à quelques hommes de saisir le sens de ses mots. « Quelle terrible pagaille tu as faite ! Seigneur, mon vieux, tu t’es arrêté à cent pieds en deçà d’un vrai petit succès ! Si tes hommes étaient allés cent pieds plus loin, tu aurais réussi une grande attaque, mais les choses étant ce qu’elles sont… quelle bande d’éboueurs tu as eue après tout ! »
    Les hommes écoutant le souffle court, tournaient maintenant des regards curieux sur le colonel. Ils avaient l’air de gamins de rue ameutés par une dispute.
    On voyait le colonel qui se redressait et mettait les mains en avant de façon oratoire. Il avait l’air blessé d’un diacre accusé de vol. Les hommes se trémoussaient dans

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