Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
un délire d’excitation.
Mais subitement les manières du colonel passèrent de celles du diacre accusé à celles d’un Français touché dans son amour propre. Il haussa les épaules : « Hé bien général on est allé aussi loin qu’on a pu », dit-il calmement.
– « Aussi loin que vous avez pu ? n’est-ce pas ! Seigneur ! » railla l’autre. « Hé bien, ça n’a pas été très loin, n’est-ce pas ? » Ajouta-t-il, en fixant l’autre d’un regard de froid mépris. « Pas très loin, je pense. Vous étiez supposé faire diversion en faveur de Whiterside. À quel point vous avez réussi, vos propres oreilles vous le diront maintenant. » Il tourna son cheval et chevaucha au loin avec raideur. Le colonel convié à entendre le désagréable vacarme d’un engagement vers la gauche, éclata en vagues malédictions.
Le lieutenant qui avait assisté à l’entrevue avec un air de rage impuissante, s’exprima soudain avec un ton ferme et indomptable : « Je n’aurais garde d’écouter l’homme – qu’il soit général ou pas –, qui dira que les gars ne se sont pas bien battus là-bas, ce n’est qu’un damné idiot. »
– « Lieutenant » commença le colonel, sévère, « ceci est ma propre affaire, et je vous prierais… »
Avec un geste de soumission le lieutenant dit : « Très bien colonel, très bien colonel, » dit-il, et il se rassit content de lui-même.
La nouvelle que le régiment était réprimandé, courut le long de la ligne. Les hommes en restèrent un moment stupéfaits. « Tonnerre ! » éclatèrent-ils, fixant la silhouette du général qui s’éloignait. Ils crurent qu’il y avait là une grosse méprise.
Mais néanmoins, ils commençaient à croire à présent qu’on taxait bel et bien leurs efforts de maigres… L’adolescent voyait bien que cette accusation pesait sur tout le régiment, leur donnant l’air de forçats maudits et enchaînés, mais quand même rétifs.
L’adolescent fût rejoint par son ami, des griefs plein le regard : « Je me demande ce qu’il veut »dit-il. « Il doit croire qu’on est allé là-bas jouer aux billes ! Je n’ai jamais vu un type pareil ! »
Pour expliquer la colère du général, l’adolescent développa une tranquille philosophie : « Hé bien, » dit-il en réponse à son ami, « il n’a probablement rien vu, et en est devenu fou furieux, concluant que nous n’étions qu’un tas de moutons, juste parce qu’on n’a pas fait ce qu’il a voulu qu’on fasse. C’est une pitié que le bon vieux père Henderson fut tué hier… Il aurait su qu’on a fait de notre mieux, et que nous nous sommes bien battus. C’est seulement notre terrible malchance c’est tout. »
– « Je dois dire que c’est ça » répondit l’ami, qui paraissait profondément blessé par l’injustice. « Je dois dire que nous avons une terrible malchance ! C’est pas drôle de se battre pour des gens quand tout ce que tu fais, – n’importe quoi –, va de travers. Je crois bien que la prochaine fois je resterais à l’arrière et les laisserais faire leur charge de vieux décrépis tout seuls, et qu’ils aillent au diable ! »
L’adolescent essaya de réconforter son camarade : « Hé bien, nous nous sommes bien comportés tous les deux. Je voudrais bien voir l’idiot qui dirait qu’on n’a pas fait du mieux qu’on a pu ! »
– « Et comment ! » déclara son ami fièrement. « Et je lui tordrais le cou au type, même s’il est aussi grand qu’un portail d’église. Mais on est bien vu de toute façon, car j’ai entendu un type dire que tous les deux on s’est le mieux battu dans le régiment, et ils se sont longuement querellés à propos de ça. Bien sûr, un autre type s’est levé et a dit que c’était un mensonge… qu’il avait vu tout ce qui s’était passé, et il ne nous a jamais vu depuis de début jusqu’à la fin. Et d’autres encore s’en sont mêlés pour dire que ce n’était pas un mensonge, qu’on s’était battus comme des diables, et qu’ils nous saluaient. Mais ce que je ne peux supporter c’est les vieux soldats qui rient toujours entre les dents et s’amusent ; et en plus ce général, est-il fou ! »
L’adolescent s’exclama, soudain exaspéré : « C’est une tête de lard ! Il me rend fou. Je souhaite qu’il vienne par là la prochaine fois. Nous lui montrerons… »
Il se tut, car un groupe d’hommes arrivait en
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