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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen Crane
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aperçues éclatèrent dans un hurlement rauque, et une centaine de flammes jaillirent vers le groupe qui battait en retraite. Un nuage gris roula encore et s’interposa comme le régiment répliquait avec hargne. L’adolescent devait à nouveau compter sur son ouïe malmenée, qui tremblait et bourdonnait à cause du tumulte des cris et des tirs de mousqueterie.
    Le chemin parut interminable. Dans la brume et la fumée, les hommes furent pris de panique à l’idée que le régiment perdait son chemin, et avançait dans une direction périlleuse. Un moment les hommes à la tête de la sauvage procession se retournèrent et revinrent pousser leurs camarades, hurlant qu’on leur avait tiré dessus depuis des endroits qu’ils croyaient être du côté de leurs propres lignes. À ce cri, une peur hystérique et une détresse envahirent les troupes. Un soldat, – qui jusqu’à présent avait eu l’ambition de tout faire pour que le régiment soit un petit groupe sage, qui progressât calmement au milieu des énormes difficultés qui surgissaient –, s’écroula soudain et enfouit son visage dans ses bras avec l’air de se soumettre à son destin. Un autre éclata en lamentations aiguës et sonores, remplies d’illusions naïves à propos d’un général. Les hommes couraient dans tous les sens cherchant des yeux un chemin de salut. Avec une calme régularité, comme si leurs trajectoires étaient prévues d’avance, les balles entraient sourdement dans le corps des hommes.
    L’adolescent marchait, impassible au milieu de la foule, et le drapeau dans les mains, il fit un arrêt, comme s’il s’attendait à une tentative pour le faire tomber au sol. Inconsciemment il assumait l’attitude du porte-drapeau durant le combat de la veille. Il passa une main tremblante sur le front. Son souffle était pénible. Il étouffait durant cette courte attente du moment de crise.
    Son ami vint vers lui : « Hé bien Henri, je crois que c’est le moment de se dire adieu…
    – « Oh, la ferme damné idiot ! » répliqua l’adolescent, sans vouloir le regarder.
    Les officiers peinèrent comme des politiciens en campagne électorale, afin d’amener la masse du régiment dans un cercle propre à faire face aux attaques. Le terrain était inégal et accidenté. Les hommes se nichaient dans les dépressions, et se tenaient le plus à l’aise possible derrière tout se qui était susceptible d’arrêter une balle.
    L’adolescent nota avec une vague surprise que le lieutenant était debout, muet, les jambes écartées et l’épée tenue à la façon d’une canne. Il se demandait ce qui avait pu arriver à ses cordes vocales pour qu’il ne maudisse plus.
    Il y avait quelque chose de curieux dans cette petite pause concentrée du lieutenant. Il avait l’air d’un bébé qui, ayant pleuré tout son saoul, levait des yeux fixes sur un jouet hors d’atteinte. Il était complètement absorbé par sa contemplation, et sa douce lèvre inférieure remuait sous les mots qu’il se murmurait à lui-même.
    Une fumée indolente roula lentement, avec indifférence. Les hommes s’abritant des balles, attendaient anxieusement qu’elle se levât et découvrît la situation désespérée du régiment.
    Les rangs silencieux frissonnèrent soudain sous la voix impatiente du jeune lieutenant, qui hurla : « Les voilà qui arrivent ! Droit sur nous par Dieu ! » Le reste de sa phrase fût noyé par le roulement de tonnerre meurtrier des fusils de ses hommes.
    Les yeux de l’adolescent s’étaient instantanément tournés dans la direction indiquée par le lieutenant éveillé qui s’agitait, et il vit les brumes traîtresses dévoiler un corps de soldats ennemi. Ils étaient si proches qu’il pouvait distinguer leurs visages. Comme il regardait, il sentit de l’estime pour eux. Il percevait aussi avec un étonnement vague que leurs uniformes étaient plutôt d’apparence gaie, avec leur gris clair souligné de revers aux teintes brillantes. Ces tenues semblaient toutes neuves.
    Apparemment ces troupes s’étaient mises à avancer avec précautions, leurs fusils prêts à tirer, quand le jeune lieutenant les eut signalés et leur mouvement fut arrêté par la volée de tir du régiment des bleus. De cet aperçu bref, on su qu’ils ne savaient pas la proximité de l’ennemi à la tunique sombre, ou qu’ils s’étaient trompés de direction. Presque instantanément ils disparurent complètement à la vue de

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